Le dernier film de Lenny Abrahamson l’annonce dès son titre : Richard va faire quelque chose de terrible. Tout l’intérêt de What Richard Did réside justement dans cette annonce du drame que l’on attendra fébrilement pendant toute la première partie du film, sans savoir d’où il viendra. Ce Teen Movie se mue par la suite en film sur la culpabilité assez réussi, même si le cinéaste ne va pas toujours aussi loin qu’escompté. Un petit film à découvrir.
Richard Karlsen, 18 ans, passe ses dernières vacances d’été avec ses amis du lycée, avant l’université et une nouvelle vie. Un temps d’insouciance donc, à boire et refaire le monde sur les plages irlandaises où ces jeunes vivent, à découvrir aussi les premières amours un peu sérieuses. Richard est un garçon charmant, tant par son physique qui en fait craquer plus d’une, que par ses manières polies. Il passe son temps à aider les autres, sauve une jeune fille en détresse face à un autre garçon un peu trop insistant et range la maison de ses parents avant leur retour. Il est ambitieux, rêve de devenir rugbyman professionnel et ses parents adorent leur fils unique, non sans lui mettre une pression assez importante sur les épaules. Bref, Richard est le prototype même du bon gars, celui qui appelle la mère d’un jeune un peu plus dans l’adolescence pour la rassurer, celui qui s’impose sans force, simplement avec son caractère un peu plus mature que celui de ses camarades. Pendant ces vacances, il finit par tomber amoureux de Lara, et c’est alors que les choses commencent à mal tourner. Lui qui aime garder le contrôle regarde d’un mauvais œil la proximité un peu trop grande à son goût entre sa copine et Connor, un autre joueur de son équipe…
Lenny Abrahamson prend le temps pour planter son décor et ses personnages. C’est évidemment Richard qui reçoit la plus grande attention de la part du cinéaste : le jeune homme est quasiment de tous les plans et What Richard Did en établit un portrait assez complet et très positif. Le spectateur sait pourtant que ce garçon si propre sur lui, si parfait, va faire une bêtise très grave, le titre ne lui laisse aucun doute sur ce point. La force de Lenny Abrahamson est de faire sentir que quelque chose se trame : même si Richard est un jeune homme charmant, le genre qui aidera une mamie à traverser la rue ou qui vous aidera à porter vos courses, on sent en lui une sorte de violence sourde. Le garçon semble en permanence concentré pour se calmer, mais cette noirceur est très rapidement sensible et elle augmente continuellement jusqu’à aboutir au climax du drame. What Richard Did est à cet égard assez classique dans la structure, mais cette première partie est peut-être la plus réussie de l’ensemble, même si le long-métrage en fait peut-être un peu trop pour montrer le côté positif de Richard et l’opposer à l’après-drame. Le cinéaste a parfaitement réussi à faire sentir que le garçon n’apprécie pas la tournure des évènements : il aime contrôler son environnement et ses proches, il aime sa position de leader dans son groupe d’amis et il sent qu’il ne peut pas contrôler sa copine. Même si l’on peut dire sans trop en révéler que le drame central de What Richard Did sera plus grave, ce qu’il a fait c’est aussi tout simplement de tomber amoureux. La fin d’une époque, à bien des égards…
Une fois le drame passé, What Richard Did change sensiblement pour quitter son statut de Teen Movie assez traditionnel et plutôt léger, même si Lenny Abrahamason a réussi à y insuffler un peu de noirceur dès les premiers plans. Le film devient en tout cas plus sombre et se concentre sur le sentiment de culpabilité qui envahit le jeune homme. La panique l’envahit les premiers temps, mais sa force mentale reprend vite le dessus et Richard essaie de raisonner et savoir que faire. Doit-il prévenir la police ou faire profil bas et oublier ? Pourra-t-il vivre toute sa vie avec cette culpabilité, avec cet acte sur sa conscience ? S’il y a bien une enquête à l’arrière-plan, What Richard Did ne tombe jamais dans le thriller et le héros n’est jamais vraiment inquiété pour son acte, même s’il doit en effet se cacher quelques jours. Lenny Abrahamson déplace judicieusement l’enjeu pour en faire un problème intérieur : le jeune homme ne sait pas vraiment comment réagir, tandis qu’il se morfond sur son acte qui met en jeu son avenir qui semblait tout tracé. Lui qui semblait si parfait a échoué et il n’ose plus tout à fait se regarder en face. La fin, très ouverte, de What Richard Did peut décevoir, mais elle était sans doute la plus logique. Le film ne répond pas à la question de savoir ce que Richard fera, mais il se concentre sur un acte non désiré qui fait basculer la vie d’un jeune homme et à cet égard, c’est plutôt une réussite.
What Richard Did n’est pas un film coup de poing, c’est au contraire un long-métrage conçu dans la douceur. Le scénario évolue doucement vers le drame, tandis que les plans de Lenny Abrahamson sont le plus souvent construits autour de couleurs douces, voire même pastel par moment. À l’image de son affiche, tout semble ouaté dans ce film, pour un résultat souvent très séduisant et quelques plans assez beaux. Ce n’est peut-être pas le premier argument en faveur du film toutefois, cette forme rappelle peut-être un peu trop le cinéma indépendant américain, même si elle est réussie ici. Lenny Abrahamson peut en revanche compter sur son jeune acteur : Jack Reynor est très convaincant dans son rôle de coupable qui doute. Tous les jeunes acteurs autour de lui sont également assez bons et l’ensemble est très agréable. What Richard Did n’est certainement pas le film de l’année, mais il tient parfaitement la route.
Comment réagir face à un drame que l’on a causé ? Question difficile qui motive What Richard Did : Lenny Abrahamson commence sa dernière réalisation comme un Teen Movie qui aurait pu être assez insignifiant s’il n’y avait pas cet arrière-plan sombre dès les premières minutes. La première partie, avant le drame, est la plus forte et la plus intéressante, mais la suite ne déçoit pas non plus. La fin de What Richard Did en décevra sûrement quelques-uns, mais c’était peut-être la plus logique. Un film classique, mais efficace, à découvrir.