Wolf Hall, Peter Kosminsky (BBC)

Mini-série de six épisodes seulement, Wolf Hall est pourtant d’une complexité assez incroyable. Il faut dire qu’en s’attaquant à l’histoire de Thomas Cromwell et au règne de Henri VIII, la BBC n’a pas choisi le sujet le plus facile, et ce d’autant moins que la chaîne britannique a opté pour un traitement aussi réaliste que possible. Adaptée de deux romans de Hilary Mantel, la version télévisée condense cinq ans de l’histoire de la cour anglaise sur six heures et en particulier l’ascension de Cromwell. Ce fils de forgeron devenu avocat pour le cardinal Wosley jusqu’au meurtre de ce dernier est parvenu ensuite à se hisser dans les plus hautes sphères de l’État, aux côtés du famille royale et des plus grands nobles du royaume. Wolf Hall dépeint son accession au trône, mais aussi et surtout les manipulations sur fond de conflits politico-religieux. Le scénario est dense et certains pans restent obscurs sans une bonne connaissance historique, mais la série réalisée par Peter Kosminsky mérite le détour : dans le genre historique réaliste, on ne fait guère mieux !

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En six épisodes, Wolf Hall couvre plusieurs années et la série s’attache ainsi à quelques moments clés. Chaque épisode commence d’ailleurs avec un petit texte qui situe le contexte général, une information essentielle pour ne pas être totalement perdu par la suite. Pour le reste, le scénario nous plonge sans autre forme de cérémonie au cœur du XVIe siècle, et plus particulièrement dans la cour du roi Henri VIII. Le premier épisode se consacre néanmoins à des événements légèrement antérieurs, quand Thomas Cromwell n’était pas encore au service du roi, mais à celui du cardinal Wosley, alors l’un des plus puissants hommes du royaume. La séquence d’ouverture présente toutefois la disgrâce de cet homme d’Église qui n’a pas su satisfaire la demande du roi d’obtenir la dissolution de son mariage. Les affaires maritales de Henri VIII sont au cœur de la série et il faut dire qu’il y a de quoi faire avec cet homme marié six fois. Wolf Hall commence ainsi autour de son divorce avec Catherine d’Aragon, qu’il a épousé dès sa naissance. Ce mariage politique n’était pas très heureux, mais ce n’est pas pour cela qu’il voulait officiellement se séparer de sa femme : pour rester dans la légalité au regard de la religion catholique, il lui faut une bonne excuse auprès du pape et c’est la carte de l’absence d’héritier mâle qui est servie. Mais Peter Kosminsky montre bien dès le départ qu’il s’agit avant tout une histoire d’amour, voire de sexe : Henri est un homme à femmes qui n’hésite pas à multiplier les conquêtes et qui tombe vite amoureux. Et justement, Anne Boleyn lui fait de l’œil et cette femme très ambitieuse a bien l’intention de devenir reine d’Angleterre et elle fait tout pour parvenir à ses fins, quitte à éliminer ses ennemis s’il le faut. C’est dans ce contexte bien trouble que le non moins ambitieux Thomas Cromwell parvient à tirer son épingle du jeu et à accéder au pouvoir.

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Celui qui finit sa carrière comme Lord Grand Chambellan du royaume, l’un des postes les plus importants dans la cour anglaise de l’époque, est au cœur de la série portée par la BBC. On suit les pas de Thomas Cromwell du début à la fin de la saison, et la toute première scène présente le personnage de façon assez brillante. Alors que deux nobles envoyés par le roi viennent annoncer au cardinal Wosley qu’il a perdu ses fonctions, l’avocat débarque par une petite porte dérobée et vient glisser à l’oreille de l’homme d’Église qu’ils n’ont absolument pas le droit de le faire. L’air de rien, avec une grande discrétion marquée par un visage fermé et assez triste, cet homme vient de gifler deux personnages au plus haut niveau de l’État. Mark Rylance incarne parfaitement cet homme toujours impassible, qui semble incapable de sourire et qui surtout, l’air de rien, agit au plus haut niveau avec une dextérité politique incroyable. Le personnage principal de Wolf Hall est complexe, on ne sait jamais exactement ce qu’il pense et encore moins ce qu’il ressent. Il semble toujours triste et avec la perte de sa femme et de ses deux filles, il a de bonnes raisons de l’être, mais n’est-ce pas aussi une façade pour mieux tromper ses adversaires ? Au fond, c’est peut-être sa discrétion qui explique sa longévité, mais aussi l’intérêt du roi à son égard. Henri VIII — incarné par Damian Lewis — était connu pour être un bon vivant colérique, tout l’inverse de l’avocat toujours dans la sobriété et le calme, jamais dans l’excès. C’est quelqu’un d’assez austère, mais aussi d’extrêmement efficace avec ses espions partout et ses méthodes pas toujours avouables, mais certainement très modernes. Cela explique sans doute pourquoi cette plongée à une époque si lointaine de nous résonne autant : on retrouve une forme de modernité dans cette politique prête à tout, y compris à exploiter la religion pour satisfaire les désirs amoureux ou sexuels de son leader. C’est une vision noire et assez brutale de l’histoire, mais assez éloignée en même temps des caricatures du genre : la représentation historique est assez crédible et le jeu des acteurs fait le reste.

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Belle réussite que ce Wolf Hall, exigeante, mais passionnante série historique. Au-delà d’éventuelles erreurs factuelles, les six épisodes réalisés par Peter Kosminsky frappent par la précision des interprètes et par la qualité de la reconstitution historique. On se sent vraiment au cœur de l’Angleterre du XVIe siècle et on a le sentiment étrange d’une époque moins lointaine de la nôtre qu’on ne pourrait le croire. Une belle réussite pour la BBC, à ne pas rater !