Paolo Sorrentino se tourne à son tour vers la télévision, avec une première série ambitieuse et qui n’a pas peur de perturber. The Young Pope se place au cœur du Vatican et suit les pas d’un nouveau pape, le très jeune Pie XIII, élu par l’Église parce qu’il est supposé facile à manipuler. Une grave erreur que dévoile une première saison qui fait preuve d’une ambition formelle plaisante, mais qui part aussi un petit peu dans tous les sens. À dire vrai, on ne sait pas trop où veut en venir The Young Pope, ce qui est peut-être précisément l’effet désiré. On se laisse porter par d’excellents acteurs et une bande-originale nerveuse très plaisante, en attendant une deuxième saison qui éclaircira peut-être les choses.
Lenny Belardo devient Pie XIII, le nouveau Pape de l’église catholique et à 47 ans, il est aussi le plus jeune Pape de l’ère moderne. Il a été élu presque par accident, en tout cas, de façon inattendue et c’est son mentor, le cardinal Michael Spencer, qui était le favori. Les cardinaux pensent trouver en ce jeune élu un Pape malléable, qui régnera sans faire de vagues et en laissant les hommes en place faire leur travail. Erreur fatale pour eux, ils ont élu un homme décidé qu’ils ne connaissaient pas. The Young Pope construit ses premiers épisodes sur le contraste entre la jeunesse et l’apparente douceur du nouveau Pape et sa véritable pensée. Loin d’être un moderne, Pie XIII rejette en bloc la philosophie plus libérale qui avait cours dans le monde catholique et il veut revenir à une religion épurée, sans homosexuels, sans avortement et même sans divorce. Il refuse aussi de se montrer et sa première homélie ne montre qu’une ombre et un discours violent, où il appelle les fidèles à se dévouer corps et âme à leur foi en oubliant tout le reste. Bref, c’est un pape non seulement très rétrograde, mais également extrêmement têtu qui est élu. Paolo Sorrentino a trouvé l’acteur idéal pour l’incarner et Jude Law est parfait dans le rôle de Pie XIII, à la fois dans la dureté sèche et dans l’ironie. La série hésite d’ailleurs constamment entre les genres, avec quelques scènes comiques très drôles et en même temps une insistance assez lourde sur le passé du personnage et sur ses décisions d’un autre temps. On rit parfois jaune, on ne comprend pas toujours ce qui se passe et l’écriture aurait sans doute mérité un petit peu de souplesse. Certains épisodes sont ainsi très confus et même si on peut dire que c’est voulu, le cinéaste italien n’a pas su mettre en évidence cette confusion volontaire et laisse à la place un sentiment d’inachevé. La saison se termine au bout de dix épisodes sans que l’on sache très bien à quoi s’en tenir, ce qui n’était manifestement pas les intentions du jeune Pape, puisque l’on nous dit qu’il a changé. Alors quoi ? Que cherche à raconter The Young Pope, au juste ? On ne sait pas bien, mais il faut reconnaître aussi que ce n’est pas très grave. Portés par une musique très variée et souvent inattendue, les dix épisodes se suivent avec plaisir et certains plans sont originaux et bien menés. Les esprits chagrins diront que c’est beaucoup d’esbroufe de la part de Paolo Sorrentino, reste que la série a de l’ambition et les moyens de l’assumer.
On peut reconnaître à ce projet porté en France par Canal+ son originalité. The Young Pope n’a rien de la série américaine formatée et cette création européenne est rafraichissante pour cette raison. C’est déjà bien, certes, mais on aurait aimé un fil conducteur plus clair peut-être, ou alors une saison plus resserrée. Pour prendre un exemple, l’un des épisodes est consacré presque entièrement à une intrigue secondaire aux États-Unis, peut-être qu’il aurait été préférable de l’écarter dans cette première saison. Malgré ses défauts, la première série de Paolo Sorrentino mérite le détour et on est curieux de voir ce que donnera la suite.