Your Name est sorti plusieurs mois après son apparition dans les salles japonaises et son arrivée en France s’est faite en fanfare. Ce long-métrage d’animation a bouleversé dès sa sortie l’empire Ghibli et il est devenu en quelques semaines le deuxième plus grand succès japonais, juste derrière l’indéboulonnable Voyage de Chihiro. Un immense succès confirmé par des sorties internationales exceptionnelles partout : Your Name est sans conteste le phénomène de l’année 2016. L’œuvre de Makoto Shinkai est sortie juste avant le changement d’année chez nous et il est toujours largement diffusé, alors que le succès ne baisse pas. Autant dire que le film intrigue et on comprend pourquoi en sortant de la salle presque abasourdi face à ce bijou. Sur le papier, un scénario ridicule au possible qui ne devrait rien donner de bon. À l’écran, une romance lycéenne teintée de fantastique d’une puissance inimaginable, portée par des images souvent sublimes. Your Name est une merveille de finesse et de précision, à découvrir absolument et sans rien lire à son sujet avant la séance.
Réduire Your Name à son synopsis n’aide pas vraiment le long-métrage qui ressemble alors à une mauvaise comédie romantique calibrée pour les ados. Deux lycéens, lui de Tokyo, elle de la campagne japonaise, font de drôles de rêves où ils échangent de vie : le citadin à la place de la campagnarde et vice-versa. Petit à petit, ils s’aperçoivent que ce ne sont pas des rêves et que, pour une raison ou une autre, leurs consciences sont inversées certains jours. Makoto Shinkai part de cette base de comédie et pendant un temps, il se contente de décrire les étranges décalages, les réactions surprises de l’entourage et la détestation de l’autre à cet âge où la question de l’identité est particulièrement sensible. L’histoire n’en reste pas là néanmoins et même bien au contraire, elle se déploie vers d’autres horizons beaucoup plus surprenants. Your Name adopte vite une teinte fantastique avec ce décalage temporel et l’idée de modifier le passé, mais sans tomber pour autant dans la science-fiction. En fait, le réalisateur ne cherche absolument pas à coller à un genre en particulier, il trace sa propre voie loin des attentes et parvient ainsi à surprendre. L’histoire d’amour entre Taki et Mitsuha reste centrale jusqu’à la dernière seconde et elle n’est jamais niaise. Ce qui n’empêche pas dans le même temps de suivre ces pistes fantastiques avec beaucoup d’aplomb et elles ne sont jamais idiotes. Le résultat est très original, tantôt touchant, tantôt amusant, tantôt dans l’émotion pure, tantôt dans la comédie. L’ensemble est aussi d’une fluidité absolue, on sent bien que l’intrigue est parfaitement maîtrisée et elle coule avec un naturel qui force le respect. La clé de la réussite du projet est sans doute là : si Makoto Shinkai ne tombe pas dans la niaiserie ridicule, c’est largement grâce à ce travail d’équilibriste entre les genres qui offre au film une vitalité et une fraicheur rare. Ce n’est pas son seul argument toutefois.
Est-ce que l’histoire d’amour entre ces deux lycéens vous laissera insensible ? C’est assez improbable, même si vous êtes persuadé du contraire avant la séance. Your Name fait preuve d’une maîtrise remarquable pour distiller ses émotions et il atteint le niveau des meilleures romances filmées, ce qui n’était absolument pas évident pour un film d’animation. Le dessin reste très simple pour les personnages, néanmoins Makoto Shinkai a trouvé les bons moyens pour véhiculer son message sans trop en faire et l’émotion est sincère et omniprésente. En admettant qu’elle vous laisse malgré tout insensible, le long-métrage a bien d’autres arguments à faire valoir, à commencer par une mise en scène remarquable, très différente de ce que l’on a l’habitude de voir dans l’animation japonaise. C’est d’autant plus étonnant que l’esthétique est très classique en apparence, notamment les dessins des personnages et leurs comportements. On retrouve le travail de Hayao Miyazaki pour ne citer que le plus célèbre et par moments, on croirait presque regarder une œuvre sortie tout droit des studios Ghibli. Ce sentiment se dissipe vite quand le montage vif, presque saccadé, intervient. Loin d’une mise en scène apaisée, Makoto Shinkai impose au contraire un rythme nerveux et quelques idées audacieuses en animation, à l’image de ces plans découpés ou ces montages alternés entre les deux personnages. On ne s’attendrait pas à trouver une telle inventivité, mais Your Name surprend sur ce point. Il y aurait encore beaucoup plus à dire, à commencer par la beauté des décors et de certains plans qui sont vraiment sublimes, notamment tous ceux avec la comète. On pourrait aussi évoquer la qualité de la bande-originale composée par Radwimps, un groupe de rock japonais qui parvient même à signer deux titres qui s’apparentent à de la j-pop et qui parviennent étonnamment à renforcer l’émotion au lieu de lui nuire.
Le succès de Your Name ne doit rien au hasard. Makoto Shinkai a réussi à trouver l’équilibre parfait entre romance et fantastique, entre émotion et humour, entre décors sublimes et montage nerveux, entre modernité et tradition du Japon également. C’est un travail périlleux et porteur d’une ambition folle. Ce long-métrage avait tout pour échouer sur le papier, mais par miracle, c’est une réussite totale. Your Name ne vise pas directement les enfants comme tant de films d’animations, mais il leur parlera autant qu’aux adultes. C’est une œuvre profondément japonaise et en même temps universelle, une petite perle à ne rater sans aucun prétexte.