ZeroZeroZero est une série ambitieuse, tout d’abord par l’implication de trois services différents. Création de la chaîne italienne Sky Atlantic, elle est aussi produite par Canal+ et Amazon Studio. Adaptée d’un roman de Roberto Saviano, elle suit le voyage de la cocaïne depuis Monterrey au Mexique jusqu’à la Calabre en Italie, via un intermédiaire de la Nouvelle-Orléans. Ses trois créateurs, Stefano Sollima, Leonardo Fasoli et Mauricio Katz, ont ainsi imaginé un triptyque d’histoires indépendantes qui se croisent. C’est d’une ambition folle et cette mini-série de huit épisodes se donne les moyens de ses ambitions, avec une réalisation soignée à travers le monde et un casting adapté à chaque branche. Tout ceci est très prometteur, mais ZeroZeroZero ne parvient pas à raconter une histoire fondamentalement différente et elle se perd un petit peu dans ses multiples personnages juste effleurés. Un petit peu décevant.
La mafia calabraise, la ‘Ndrangheta, est la principale porte d’entrée pour la cocaïne en Europe. C’est aussi une mafia à l’ancienne, très violente et pleine de conflits familiaux et de vendetta, à l’image de Don Minu, un vieillard à la tête des familles du coin dont l’autorité est remise en cause par son propre petit-fils. Pour la restaurer, il commande 5 tonnes de cocaïne pure à ses contacts mexicains et fait appel aux Lynwood de la Nouvelle-Orléans pour que la drogue traverse la moitié de la planète en toute sécurité. Les trois parties de l’équation sont ainsi posées : il y a les fournisseurs de drogue au Mexique, les passeurs américains et les clients en Italie. ZeroZeroZero se construit autour de ces trois pôles, mais pas de la manière la plus simple ou évidente qui soit. On pourrait imaginer une intrigue qui suit la drogue d’un point A au point B, mais les créateurs de la série — sans doute inspirés par le roman original — préfèrent une structure plus complexe, où chaque histoire évolue en parallèle et se croise de temps en temps. C’est l’originalité principale de la création de Sky Active, on suit par exemple ce qui se passe au Mexique, avec Manuel qui trahit l’armée au profit des barons de la drogue qu’il devait combattre, alors même que la cocaïne a quitté le pays depuis longtemps. Et à l’inverse, on suit les conflits familiaux des mafieux italiens bien avant que la drogue n’arrive. Ces conflits ont un impact sur les Lynwood qui doivent transporter le produit : leur navire est endommagé et doit s’arrêter au Niger, puis ils doivent remonter par le Sahara et affronter les Djihadistes. ZeroZeroZero n’a pas peur d’embrasser des thématiques très variées, de multiplier les intrigues secondaires et de suivre des cheminements toujours plus compliqués pour que ces cinq tonnes de drogue arrivent à leur destination. C’est une ambition honorable, mais pas forcément la meilleure idée qui soit à l’arrivée. Tout n’est pas aussi intéressant qu’on pouvait l’espérer et même si on ne s’ennuie jamais tout à fait, les huit épisodes sont inégaux et il y a quelques temps morts. Fallait-il passer autant de temps sur la violence extrême dont font preuve les Mexicains ? Toute la parenthèse djihadiste était-elle réellement nécessaire ? À trop multiplier les enjeux, la série de Sky Atlantic perd parfois de vue l’essentiel et surtout, elle échoue à créer des personnages suffisamment solides. Elle tente de le faire en accordant beaucoup de place à Manuel au Mexique, à Chris en chemin vers l’Italie ou encore à Stefano, le petit-fils qui veut prendre le pouvoir en Calabre. Mais cela ne suffit pas et on a de la peine à s’intéresser pleinement à ces personnages, quelque peu écrasés par l’ampleur du projet.
Il faut dire que les trois créateurs, non contents de traiter un sujet aussi complexe et vaste, optent aussi pour un dispositif qui n’allège pas leur série. Dans chaque épisode, on entend une musique, toujours la même, et l’image est fortement ralentie pour signaler un retour dans le temps. Plus qu’un flashback, c’est une manière de revenir quelques heures ou jours plus tôt, pour suivre le parcours d’un autre personnage et savoir comment il en est arrivé là. Là encore, l’idée est intrigante, mais trop répétée, elle devient une mécanique un peu lourde qui dessert ZeroZeroZero. Même la bande-originale composée par Mogwaï laisse le sentiment de tourner en boucle et manque peut-être d’originalité. À l’heure des bilans, la série reste intéressante par ce qu’elle raconte et par ses ambitions, mais elle n’est pas aussi aboutie qu’on l’aimerait. Dommage.