Daredevil, Drew Goddard (Netflix)

L’univers de Marvel est décidément partout. Après avoir envahi les salles de cinéma, en particulier avec l’Univers cinématographique Marvel, les superhéros imaginés par l’éditeur vont bientôt être sur tous les petits écrans. Et c’est Netflix qui a obtenu le gros lot, avec déjà cinq séries programmées et un cycle qui commence dès cette année avec Daredevil. Ce personnage, un petit peu sacrifié au cinéma avec une première adaptation qui n’est pas restée dans les annales, est à mi-chemin entre les héros qui ont des pouvoirs surnaturels et ceux qui sont simplement riches ou astucieux. Avocat aveugle le jour, il devient un redoutable justicier masqué la nuit : ce n’est pas le superhéros le plus original, mais la première saison de cette série créée par Drew Goddard choisit astucieusement la création du personnage. C’est sans conteste l’un des angles les plus intéressants pour les superhéros et Daredevil séduit pour cette raison. Malgré quelques défauts, cette première saison reste très plaisante à regarder !

Daredevil charlie cox elden henson

Vous vous attendiez à découvrir un Daredevil dans son costume près du corps rouge et noir ? Raté, la série présentée par Netflix ne s’intéresse, dans cette première saison du moins, qu’au personnage en construction et non au superhéros achevé. Les treize premiers épisodes évoquent ainsi la naissance du héros, ses balbutiements de sauveur et aussi ses origines. Daredevil commence alors que Matt Murdock devient vraiment avocat et s’associe avec son meilleur ami, Foggy. Ils ont de grandes ambitions, non pas pour devenir de riches avocats d’affaires, mais plutôt pour aider la veuve et l’orphelin. Leur première affaire s’intéresse ainsi à Karen, jeune femme impliquée dans un meurtre qui la désigne évidemment comme victime, mais qui se proclame innocente. Cette première défense lance l’intrigue autour de quelques personnages clés et surtout de Wilson Fisk, le grand méchant de cette saison. Daredevil sait faire patienter les spectateurs en ne le dévoilant pas immédiatement, tout comme elle ne montre pas tout de suite le superhéros en costume. Tout est affaire de temps et il faut reconnaître que la mise en place progressive, sur quelques épisodes pour le vilain, sur une saison entière pour le gentil, est bien menée. Utilisant avec parcimonie les flashbacks, la série imaginée par Drew Goddard montre bien comment ce garçon aveuglé suite à un accident quand il avait neuf ans est devenu un combattant aguerri et une variante modernisée du Robin des Bois, toujours prêt à défendre le faible contre le plus fort. Charlie Cox est très à l’aise avec son personnage, même s’il a parfois un petit de mal à jouer l’aveuglement et même si on ne sait jamais comment il « voit » aussi bien ce qui l’entoure1, et il constitue un superhéros crédible, car torturé. Entre quête de justice et plaisir de se battre, le personnage est bien dessiné et c’est l’un des points forts de Daredevil.

Daredevil netflix

Les producteurs ont parié sur une ambiance sombre pour leur vision de Daredevil, un choix très moderne et qui a déjà fait ses preuves chez Christopher Nolan. Mais on peut dire que le responsable de la photographie a mis le paquet sur cet aspect, avec treize épisodes qui ne sortent jamais vraiment de la nuit et de scènes toutes aussi sombres les unes que les autres. Pour une série qui évoque le quotidien d’un aveugle, on peut comprendre la logique, même si on peut trouver que c’est parfois un petit peu trop systématique. La vision de la ville et surtout du quartier de Hell’s Kitchen où se déroule l’essentiel de l’action est elle aussi pleine de noirceur et cette fois c’est plus convaincant. L’ensemble est plutôt réaliste, même si le pouvoir de Wilson Fisk qui semble infini est un petit peu suspect. Il faut dire que le méchant est à la tête d’une organisation mafieuse qui contrôle tout, jusqu’à la police, aux médias et aux juges. Il semble tout-puissant et les scénaristes auraient peut-être mieux fait de le montrer sous un angle plus mesuré. D’ailleurs, ce personnage et de nombreux autres personnages secondaires souffrent de quelques faiblesses du côté de l’écriture. Ils sont souvent intéressants et parfois très bien interprétés — Vincent D’Onofrio, que l’on avait brillamment découvert dans Full Metal Jacket est vraiment pas mal en brute épaisse qui sait faire preuve de tendresse terrifiante en même temps —, mais il leur manque parfois un petit peu d’épaisseur. On ne comprend pas toujours leurs motivations et certaines situations restent obscures jusqu’au bout. Pourquoi Wilson s’entiche brutalement de cette femme que l’on ne comprend jamais vraiment ? Pourquoi Claire disparaît soudainement sans laisser de traces ? Pourquoi Foggy et Karen ne vont jamais plus loin dans leurs relations ? Peut-être qu’une saison ne suffisait pas, mais Daredevil pèche dans ces relations, trop rapidement évoquées en général, si bien que ses personnages manquent un petit peu de corps. Dans un tout autre registre, les scènes de combat sont un petit peu trop systématiques et ne sont pas aussi spectaculaires qu’on l’aurait aimé.

Daredevil charlie cox rosario dawson

Des reproches, c’est vrai, mais il ne faudrait pas être trop sévère non plus : Daredevil marque la première incursion de Netflix dans le domaine des superhéros et c’est un premier essai réussi dans l’ensemble. L’histoire est suffisamment prenante pour que l’on soit happé par ces 13 épisodes et que l’on ait envie d’aller jusqu’au bout pour découvrir comment Matt Murdock est devenu Daredevil. À cet égard, le contrat est bien rempli, mais maintenant que l’on sait, toute la question est de savoir que faire ensuite. Daredevil pourra-t-elle exister au-delà de la naissance du personnage ? On le découvrira avec la deuxième saison…


Daredevil, saison 2

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(18 avril 2016)

La première saison était consacrée à la naissance de Daredevil, la suite permet à Drew Goddard d’employer pleinement le personnage. Ce qu’il ne se prive pas de faire d’ailleurs, avec 13 épisodes plus intenses, mais aussi plus convaincants. Si l’on avait quelques réserves à faire sur la saison précédente, en particulier sur les personnages secondaires moins bien traités que le superhéros, Netflix a redressé la barre et le scénario est ici bien plus intéressant. Wilson Fisk n’a pas totalement disparu, mais il n’est plus le grand méchant de l’histoire. C’est une étrange organisation, qui se nomme La main, qui prend le relai, avec des objectifs qui ne sont jamais totalement éclaircis dans cette saison. Qu’importe, Daredevil ne relâche jamais la tension et reste prenante d’un bout à l’autre, avec des scènes de combat qui sont cette fois d’un très bon niveau, et parfois même plus impressionnantes encore que ce que l’on voit au cinéma.

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Le point fort de cette saison toutefois, c’est sans conteste les personnages secondaires. À part Elektra et le Punisher, deux superhéros associés à Daredevil dans les comics, il n’y a aucun ajout et on se contente de retrouver tous ceux que l’on connaît dans la saison précédente, ce qui est une très bonne idée. Drew Goddard trouve ainsi tout loisir pour enrichir ses personnages secondaires et ils gagnent effectivement en épaisseur. Que ce soit Foggy, Karen ou même Stick, on apprend à mieux les connaître et on s’y intéresse plus. Quant aux deux nouveaux, ils sont aussi très intéressants, tout particulièrement Elektra, interprétée par l’actrice française Élodie Yung, pleine de complexités. Bizarrement, Daredevil n’en montre pas plus sur les aptitudes de son héros pour voir tout en étant aveugle, mais Charlie Cox a progressé et il joue mieux l’aveugle.

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Est-ce que Netflix offrira une troisième saison à ce personnage, ou fusionnera toutes les séries Marvel ? On voit dans cette saison des liens marqués avec le personnage de Jessica Jones et les évènements qui se sont déroulés dans la première saison de cette série. Néanmoins, Daredevil s’est améliorée dans cette suite, à tel point que l’on aimerait en voir plus…


Daredevil, saison 3

(26 octobre 2018)

Dans l’ensemble des séries Marvel portées par Netflix, Daredevil était sans conteste l’une des plus réussies, en tout cas des plus intéressantes, avec des personnages riches, du côté des gentils comme des méchants. Cela faisait un moment que l’histoire de l’avocat aveugle le jour et justicier la nuit n’avait pas avancé, c’est enfin le cas avec une troisième saison qui se déroule dans la foulée de la première de The Defenders. À la fin de cette saison, Matt Murdock était laissé pour mort au milieu de l’effondrement de la tour où La Main agissait. Quand cette saison commence, le personnage est toujours mort aux yeux de ses amis, Froggy et Karen, et surtout, il a bien l’intention de le rester.

C’est l’idée la plus intéressante qui traverse cette saison : le superhéros est tellement dévalorisé qu’il est quasiment absent. Deux épisodes se déroulent en son absence, ou pas loin, et il est plus que jamais effacé au profit de tout le reste. D’ailleurs, il ne porte plus son costume, détruit à la fin de Defenders, même si cela ne veut pas dire que le costume a tout à fait disparu de la saison. Wilson Fisk, le grand méchant des débuts, avait été éclipsé par La Main, mais il fait son grand retour dans ces treize épisodes. Il est toujours aussi méchant, son interprète est toujours aussi impressionnant et le scénario évite les facilités des débuts, même s’il reste toujours à la tête d’une organisation qui contrôle tout. On pouvait craindre que la série patine et s’enlise dans les répétitions en reprenant ce méchant, mais il n’en est rien. Le scénario trouve suffisamment d’idées par ailleurs pour éviter la redite, Daredevil doit affronter un autre adversaire et c’est surtout l’occasion d’enrichir encore tous les personnages. C’est la force d’une série et Drew Goddard le sait manifestement. Il creuse le passé de Matt, de Karen et un petit peu de Froggy, et c’est passionnant, sans conteste l’aspect le plus réussi de cette suite.

Daredevil n’évite pas les défauts, cette troisième saison est un petit peu trop lente à démarrer et la fin qui verse brutalement dans le catholicisme est décevante. Entre les deux néanmoins, il y a quelques passages vraiment réussis, de bonnes idées et des personnages noirs et passionnants. On ne sait pas si la série aura encore un avenir chez Netflix, mais cette saison donne envie d’en voir plus.


  1. C’était l’un des rares points forts de Daredevil, le film, on comprenait très bien que le personnage avait une vision basée sur les ultrasons. La série ne donne aucune justification et se contente de montrer un personnage aveugle, mais capable de se battre et de se déplacer sans le moindre problème. C’est un peu gros et l’explication aurait pu être donnée sans nuire à la série d’aucune manière.