La dernière série diffusée par Netflix est une comédie. Le nom d’Aziz Ansari ne dira sans doute rien à la majorité des spectateurs européens, mais cet acteur est assez connu aux États-Unis, essentiellement pour ses spectacles de stand-up. Il est ici à la fois l’acteur principal de Master of None, mais aussi son co-créateur avec Alan Yang, mais encore l’un de ses producteurs. Bref, il est partout… et c’est une excellente chose. Cette série a un ton vraiment très original, très différent de tout ce que l’on a pu voir jusque-là et la première saison, bien que trop courte — dix épisodes d’une trentaine de minutes seulement — est une vraie réussite. Très drôle, mais aussi touchante, Master of None joue la carte de sitcom, mais avec beaucoup plus de fond qu’escompté. À ne pas rater !
La série se résume assez simplement : Master of None suit les aventures et mésaventures de Dev Shah, un New-Yorkais qui vient tout juste de passer la trentaine. On découvre le héros et ses amis, essentiellement Arnold et Denise avec qui il passe énormément de temps. La crise de la trentaine et la première copine sérieuse qui sera peut-être la bonne, celle avec qui il finira sa vie, en l’occurrence Rachel. Rien de tout ça n’est très original et on pense inévitablement à Friends — même cadre et même époque, et la série cite même directement cette illustre affiliation dans l’un des épisodes —, mais Aziz Ansari et Alan Yang trouvent le ton juste pour se démarquer. C’est probablement surtout l’influence du premier, qui incarne Dev, qui joue : dès le pilote, on sent bien que l’acteur est atypique par son ton et le rythme de sa voix. On sent bien l’acteur de stand-up et passées les quelques minutes nécessaires pour s’adapter, c’est un vrai plaisir de l’écouter et de le voir jouer. Il est très bon dans son rôle d’un acteur qui ne perce jamais au cinéma et doit se contenter de publicités un petit peu pourries1, mais aussi de trentenaire à un moment important dans sa vie.
Master of None sait faire preuve à la fois de beaucoup d’humour, avec quelques scènes très drôles et surtout une excellente habileté à pointer du doigt des moments gênants, mais la série est aussi touchante quand il le faut. On n’en dira pas trop, mais l’intrigue principale consacre une bonne partie de son temps aux histoires d’amour de Dev et elle ménage quelques moments dominés par l’émotion, ce qui était plutôt inattendu. C’est peut-être lié à la présence des parents d’Aziz Ansari pour interpréter les parents de Dev dans la série, mais il faut aussi compter sur la présence de Noël Wells, très juste dans le rôle de Rachel, la petite amie. Au-delà de toutes ces émotions, la série s’attaque aussi à divers problèmes de société, parfois courageusement. Chaque épisode évoque un sujet en particulier, de la vieillesse à la place des femmes dans la société, en passant par la place des parents et la série illustre alors ce sujet avec ses personnages et ses situations. C’est peut-être un petit peu artificiel, mais Master of None n’oublie jamais son personnage principal, ni son intrigue, et la série se permet quelques pointes bien placées. À cet égard, elle dépasse le simple statut de sitcom amusante et embrasse une forme de réalité sociale que l’on n’attendait pas forcément.
Master of None est pleine de surprises. La dernière création de Netflix est très drôle, mais elle est portée par un humour assez rare à la télévision, insufflé par le comédien spécialiste des stand-ups Aziz Ansari. Et au-delà de l’humour, elle repose sur une histoire touchante, que ce soit sur l’amour naissant du héros, ou bien par le regard porté sur les parents et leurs enfants. La surprise vient aussi de la prise de position récurrente, ici contre les harcèlements que subissent les femmes, là contre l’isolement des personnes âgées. Le service de streaming a quoi qu’il en soit réussi son coup, cette première saison donne vraiment envie de voir la suite !
Master of None, saison 2
(3 juin 2017)
Portée par un acteur de stand-up, la première saison de Master of None frappait par son originalité qui la distinguait de tout le reste. Aziz Ansari a créé une série à son image, avec une trame narrative assez simple qui lui permettait surtout de développer des thèmes différents dans chaque épisode. La deuxième saison reprend cet humour si particulier et aussi l’idée des épisodes indépendants, mais les dix nouveaux épisodes sont aussi l’occasion d’expérimentations formelles souvent audacieuses. On ne s’attendait pas à cela, mais la série portée par Netflix suit des voies inattendues dans chacun des épisodes, du remake d’un classique du cinéma italien jusqu’à l’épisode deux fois plus longs, en passant par un segment entièrement muet. Master of None essaie un petit peu de tout et c’est souvent brillant : une saison à ne pas rater.
Dans la première saison, Dev Shah était un trentenaire new-yorkais qui ne savait pas trop ce qu’il voulait faire de sa vie et qui enchaînait les boulots d’acteurs un peu médiocres. On retrouve le personnage au début de la deuxième saison en Italie, à Modène précisément, où il vient de passer quelques mois à apprendre à faire des pâtes. Mais plus que l’histoire, le premier épisode de la saison surprend par son style : il est en noir et blanc et se présente comme un film. De fait, Master of None reprend avec un remake du Voleur de bicyclette, un film italien de 1948, adapté au contexte moderne. Il fallait oser, d’autant que l’épisode est presque uniquement en italien. Dès le départ, Aziz Ansari et Alan Yang montrent qu’ils veulent tester des choses nouvelles et toute la saison est une mise en pratique. Il y a une trame narrative générale, cette fois autour de Dev et de Francesca, une fille qu’il a rencontrée en Italie et dont il tombe amoureux, mais chaque épisode est très indépendant, à la fois sur la forme et sur le fond. Le deuxième est une sorte de road-trip italien qui passe par l’Osteria Francescana de Massimo Bottura que l’on avait d’ailleurs croisé dans Chef’s Table. L’épisode suivant revient aux États-Unis et évoque le rapport du personnage avec sa religion, le quatrième est une merveille de montage où l’on suit un premier rendez-vous amoureux constitué en fait d’une multitude de rendez-vous. Un épisode est constitué de souvenirs de repas de Thanksgiving pour Dev dans la famille de Denise, un autre est constitué de trois segments censés montrer la vie de New-Yorkais, dont un totalement silencieux à propos de sourds et muets. Certains épisodes sont plus classiques, mais Master of None expérimente dans toutes les directions et cela fait plaisir à voir autant de libertés formelles. Toutes les expérimentations ne sont pas aussi réussies, mais ce n’est pas grave et la générosité de l’acteur principal compense systématiquement.
Davantage que par son histoire, Master of None séduit par ses expérimentations et sa générosité. La deuxième saison est constituée de dix court-métrages et chacun est passionnant à regarder. Aziz Ansari et Alan Yang proposent une expérience assez rare à la télévision et elle mérite d’être vue. Est-ce qu’une troisième saison peut tenir la route ? En attendant de le savoir, les vingt épisodes actuels constituent déjà une très bonne série.
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- Difficile de ne pas penser au Joey de Friends… ↩