Beetlejuice, Tim Burton

Après un premier long-métrage couronné de succès, Tim Burton devient un réalisateur en vue à Hollywood et on lui propose un gros projet avec ce qui devient Batman. Mais avant cela, le cinéaste raconte avec un budget beaucoup plus modeste une histoire beaucoup plus personnelle : Beetlejuice. Rétrospectivement, on retrouve dans cette œuvre devenue culte quelques-uns des traits significatifs du cinéma burtonien, avec ce mélange d’horreur et d’humour, mais aussi une vision très sarcastique de la société américaine. Complètement barré, le film est d’une inventivité folle et même si ce n’est pas le chef d’œuvre de Tim Burton, Beetlejuice semble toujours aussi déjanté aujourd’hui et ses effets spéciaux déjà vieillots à l’époque ont plutôt bien supporté le poids des années. Un classique !

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Avant la banlieue monotone d’Edward aux mains d’argent, c’est l’Amérique profonde qui est caricaturée par Tim Burton. Et avec elle, l’image caricaturale de l’Americain Way of Life incarnée ici par Adam et Barbara Maitland, un jeune couple qui ne rêve que d’une chose : profiter de leurs vacances en restant dans leur maison et en faisant des travaux. Toute la première partie de Beetlejuice se transforme en satire de cette vie tranquille où tout le monde est gentil et souriant. Une introduction dégoulinante de bons sentiments qui sert avant tout, on le sent bien, de prélude à la véritable histoire qui ne tarde pas à arriver. De fait, le scénario imagine un accident de voiture un peu bête pour le couple et ils se retrouvent dans leur maison, mais morts. Commence alors une histoire de maison hantée à l’envers : nos héros sont les deux fantômes et ils essaient désespérément de se débarrasser des nouveaux occupants de la maison, une famille un peu dingue. Le père de famille a fait fortune dans l’immobilier et il vient se reposer à la campagne. La mère est une artiste ratée qui déprime à la seule idée de quitter la ville et qui entend refaire toute la décoration intérieure de la demeure. Et enfin la fille, Lydia, une adolescente gothique qui broie du noir à longueur de journée. En tant que fantômes, les Maitland cherchent à les effrayer… mais comment faire peur en cette fin des années 1980 ? C’est plus facile à dire qu’à faire et les personnages imaginés par Tim Burton font de piètres fantômes. C’est pourquoi ils finissent par appeler Beetlejuice, un autre mort qui entend aider les morts à se débarrasser de leurs vivants.

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C’est cela, Beetlejuice, le monde à l’envers. Tim Burton n’a pas son pareil pour faire parler les morts ou imaginer leur monde et c’est le principal moteur de ce film de fantômes. L’humour est souvent généré par ces inversions, autant par la nullité des deux morts qui n’arrivent pas à faire peur, même quand ils se mettent sous un drap, que par les nouveaux occupants qui tentent de tirer profit de la situation. Au sens propre : quand ils apprennent que leur maison est hantée, les Deetz ne cherchent pas à fuir ou à appeler un exorciste, non, ils imaginent un parc d’attraction autour du paranormal. Et ils essaient d’embaucher le couple mort pour animer ce parc et gagner un maximum d’argent… une caricature assez dure au fond de la société américaine. Néanmoins, Tim Burton ne cherche pas à politiser son propos et Beetlejuice est avant tout une histoire atteinte par un niveau de folie rare, y compris dans son œuvre. Il faut le voir pour le croire, mais toutes les séquences avec la créature qui a donné son titre au film sont frappées, avec des images toujours dingues. La réalisation image par image, déjà grossière et désuète à la sortie du long-métrage, renforce cet esprit de folie qui survole l’ensemble et le résultat est parfois éblouissant. Dans le genre, on n’a rarement fait mieux et Michael Keaton s’en donne à cœur joie dans son interprétation. Loin du sérieux de Batman qu’il incarne l’année suivante, l’acteur insuffle toute la folie nécessaire au personnage et le long-métrage lui doit beaucoup. Le casting est sans faute d’ailleurs, de la jeune Winona Ryder à Alec Baldwin, en passant par une Geena Davis parfaitement juste. Et puis le réalisateur peut compter sur Danny Elfman pour composer une bande originale très expressive, riche et particulièrement réussie.

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Beetlejuice est une œuvre foisonnante, pas toujours totalement aboutie, mais qui multiplie les idées jusqu’à les faire déborder. Tim Burton rassemble déjà tout ce qui fait sa marque de fabrique avec un univers déjanté et très inspiré par la mort. Le principe d’inverser la maison hantée est original et drôle, le personnage de Beetlejuice est amusant et inquiétant en même temps et le tout donne une œuvre qui n’a pas peur de partir dans tous les sens. Près de trente ans après, Beetlejuice respire bon les années 1980, mais c’est aussi une comédie qui conserve tout son mordant… à (re)voir !