David Simon a commencé comme journaliste, mais il s’est fait connaître avec deux grandes séries, parmi les meilleures jamais réalisées. Sur Écoute tout d’abord, qui se penchait sur sa ville natale de Baltimore et sur ses crimes, ses difficultés et ses habitants. Treme ensuite qui posait ses caméras au cœur de la Nouvelle-Orléans, juste après Katrina. Show Me a Hero n’est pas aussi ambitieuse, puisqu’il s’agit d’une mini-série composée uniquement de six épisodes, mais David Simon y poursuit son analyse urbaine et sociale toujours aussi pointue, cette fois en s’intéressant à Yonkers, au nord de New York. Et s’il filmait jusque-là de la fiction en utilisant des acteurs non-professionnels souvent dans leur propre rôle, il fait appel cette fois à des acteurs pour filmer une histoire vraie. Comme à son habitude, le créateur de la série entremêle la grande histoire à la petite et il filme autant les politiques au travail que des habitants. À l’arrivée, Show Me a Hero est un condensé de tout ce qui fait la réussite du travail de David Simons, une vraie réussite !
Au tournant des années 1990, Yonkers se fait connaître en s’opposant à une loi fédérale qui l’obligeait à construire des logements sociaux au cœur de la ville. Une lutte des classes s’engage alors sur fond de racisme, les propriétaires, tous blancs, refusant de voir leur quartier noirci par les populations prévues dans ces habitations sociales. C’est une thématique que l’on retrouve partout et encore aujourd’hui, de nombreuses villes essayant de contourner les lois qui les obligent à afficher suffisamment de mixité sociale. Rares sont les communes qui sont allées aussi loin pour s’y opposer toutefois et David Simons donne une bonne idée de la violence des débats à l’époque et de la détermination des élus pour tout faire pour éviter ces constructions. Alors qu’un juge ordonne à Yonkers de construire 200 logements, la municipalité fait appel et monte jusqu’à la Cour Suprême pour essayer de bloquer la décision. Et quand le nouveau maire de la ville, élu en s’opposant au projet, se rend à l’évidence que l’habitat social est inévitable et qu’il est déterminé à voter pour, une partie de la population devient violente et menace jusqu’à sa vie. Show Me a Hero suit ainsi deux fils narratifs : d’un côté, la description de ce conflit et surtout des conditions de vie très difficiles dans les cités, pour les populations qui devaient bénéficier des logements sociaux. De l’autre, la carrière politique de Nick Wasicsko, élu maire par accident à l’âge de 28 ans seulement, ce qui en a fait le plus jeune maire de l’histoire de la ville. Élu parce qu’il s’est opposé au maire sortant alors favorable au projet social, il réalise vite non seulement que s’y opposer est impossible, mais que c’est aussi une mauvaise idée. Il devient alors partisan de la loi et à force de longues et difficiles tractations, il parvient à obtenir le vote et lance le projet. Ces deux pistes narratives tapent précisément dans le cœur du travail de David Simon et on sent qu’il est à l’aise avec l’un, comme avec l’autre. On pense inévitablement aux cités de Baltimore si bien connues grâce à Sur Écoute quand on découvre les cités de Yonkers. Et la politique a toujours été centrale dans son œuvre, elle est explicitement le sujet dans Show Me a Hero et la série parvient très bien à montrer le travail des hommes politiques, les alliances et les négociations, les hypocrisies et les hommes de l’ombre qui font avancer les choses. Non content d’offrir une plongée sociologique précise et juste, la série se permet aussi d’être une belle leçon de politique.
Comme toutes les bonnes séries, Show Me a Hero doit compter sur ses personnages avant tout. En six épisodes seulement, David Simon n’a pas le temps d’en créer d’aussi profonds que dans les séries de plusieurs saisons, mais tous ses personnages inspirés d’hommes et de femmes qui ont existé sont très bien écrits. Les acteurs sont à la hauteur, tout particulièrement Oscar Isaac, parfait dans le rôle du jeune maire ambitieux. On retiendra aussi tous les acteurs qui ont interprété les habitants des cités, pour jouer essentiellement des femmes et mères de famille sans tomber dans le pathos. Show Me a Hero est une série courte, mais bien remplie, on ne s’ennuie jamais et c’est un régal à suivre. Encore une bien belle réussite, à ne pas rater !