Un vaisseau dans l’espace en direction vers une nouvelle planète, des milliers d’humains endormis à l’intérieur en attendant l’arrivée et un incident technique qui réveille un passager. Le point de départ de Passengers est extrêmement classique, on pense à Alien, le huitième passager évidemment, mais c’est un cliché du genre. Le long-métrage de Morten Tyldum, qui s’est fait connaître auparavant avec le biopic très classique Imitation Game, propose une relecture au départ bien ficelée de cette idée avant de la transformer en comédie romantique. Le choix n’est pas mauvais en soi, mais Passengers n’en fait rien de très intéressant et le résultat est décevant et bien peu mémorable.
Passengers est un huis clos : on ne voit jamais ce qui précède l’entrée dans le vaisseau spatial et on ne voit pas ce qui suit. L’absence de contexte est certainement la meilleure idée du scénario adapté, comme tant d’œuvres de science-fiction, d’une nouvelle de Philip K. Dick. On n’a ni date, ni explications sur le départ de ces cinq milles terriens vers une autre planète. La Terre existe toujours dans l’univers et il semble qu’elle n’a pas connu de catastrophe écologique ou nucléaire, mais dans ce futur plus ou moins proche, l’homme sait naviguer dans l’espace et il commence à coloniser d’autres planètes. C’est le but du Starship Avalon, un immense vaisseau d’un kilomètre de long chargé d’amener ses passagers sur Homestead II, l’une des planètes colonisées par l’humanité. Les progrès techniques le permettent, mais Morten Tyldum ne propose pas une science-fiction trop lointaine de nos considérations. Bien au contraire, la technologie déployée ici est plutôt réaliste et presque contemporaine : le vaisseau se déplace à la moitié de la vitesse lumière, ce qui est extrêmement rapide, mais encore bien trop lent pour l’humanité. Ainsi, le voyage nécessite 120 ans et tous les passagers sont placés en hibernation pendant tout le trajet. L’histoire commence alors que le trajet se déroule depuis une trentaine d’années seulement. Une énorme météorite touche le vaisseau et enclenche une série d’erreurs, dont le réveil précoce de la capsule de Jim. Il en devrait rester que quatre mois de trajet à ce stade, mais il se rend vite compte quelque chose ne va pas : il est le seul réveillé.
Cette idée de base, à défaut d’être originale, est très bien décrite par Passengers qui parvient à mettre en perspective le temps nécessairement long pour tout. Par exemple, Jim essaie d’abord de contacter l’entreprise qui a organisé le voyage sur Terre, mais il découvre que son message mettra près de 20 ans à être reçu et qu’il n’aura pas de réponse avant au moins 50 ans. Plus tard, un demi-tour sur Terre est évoqué, mais le temps de ralentir le vaisseau pour le faire repartir dans l’autre sens prendrait plus de temps que d’arriver. Morten Tyldum ne s’embarrasse pas avec la réalité (les bruits dans l’espace, c’est fini depuis 1968), mais il faut reconnaître qu’il maintient assez bien le réalisme de cet univers et toute la partie Robinson Crusoë est très bien rendue. Le vaisseau spatial est dessiné comme un paquebot de croisière, ce qui est une excellente idée et l’obsession de Jim quand il aperçoit une jolie fille parmi les passagers et que la solitude commence à vraiment peser est parfaitement rendue. Dans l’ensemble, Passengers commence très bien, le ton est juste et Chris Pratt est convaincant dans son rôle de survivant sur une île déserte. Quand il réveille Aurora (Jennifer Lawrence, efficace comme toujours), les choses se gâtent un petit peu. Le scénario enchaîne les clichés du genre, le flirt qui se transforme en histoire sérieuse et qui est interrompu quand elle apprend la vérité, et Morten Tyldum semble oublier qu’il filme dans un vaisseau au cœur de l’espace. Quand il s’en rappelle enfin, c’est malheureusement pour tomber encore davantage dans le cliché du monde à sauver et c’est assez ridicule et surtout trop facile, avec une accumulation d’incohérences qui devient pénible.
Morten Tyldum tenait un bien meilleur film, s’il avait évité cet appel à l’action extrêmement hollywoodien. Même s’il est classique, le point de départ de Passengers aurait pu donner lieu à une réflexion passionnante autour de la vie et de la solitude. Le réveil d’un deuxième passager n’est qu’un prétexte à la romance, alors que le scénario aurait pu explorer un sujet nettement plus intéressant, par exemple sur la nature sociable de l’homme. Passengers exploite la solitude comme un artifice pour faire naître une histoire d’amour, c’est un petit peu dommage d’en rester là. Le long-métrage n’est pas déplaisant à regarder, mais il ne restera pas dans les annales…