Véritable institution lyonnaise, Les Trois Dômes surplombe le Rhône et offre une vue panoramique sur la rive droite de Lyon depuis son huitième étage. Depuis 1969, ce restaurant propose une cuisine française traditionnelle sans être dépassée et surtout d’excellente qualité. C’est le restaurant d’un Sofitel un petit peu guindé et cette situation exceptionnelle dans la ville se retrouve en partie sur la facture, mais cette adresse reste un classique incontournable dans la ville. Si vous pouvez y manger, ne ratez pas cette opportunité.
Contrairement à la majorité des restaurants, Les Trois Dômes est invisible depuis la rue, à peine devine-t-on les fenêtres bien éclairés la nuit tout en haut, au dernier étage. On y accède par l’entrée principale de l’hôtel, une entrée majestueuse et pas forcément très accueillante, mais le cadre est beaucoup plus agréable quand on sort de l’ascenseur. En haut, tout est plus calme et confortable, avec un étage séparé en deux : côté droit, un bar lounge assez tranquille, côté gauche le restaurant. La salle est moins grande qu’on ne pourrait le croire et les tables sont bien séparées, avec des sièges pensés pour maximiser la vue, véritable star des lieux. Même si l’on n’est pas très haut, Lyon est une ville très basse, surtout sur la Presqu’île, et l’hôtel dépasse tous les bâtiments environnants, ce qui laisse une vue bien dégagée. Les deux tours du troisième arrondissement sont bien visibles au loin, tout comme les dômes de l’Hôtel-Dieu et de l’Hôtel de Ville qui ont donné leur nom au restaurant. Il faut bien reconnaître que l’endroit est magnifique et on prend le temps de l’apprécier tout en prenant connaissance du menu. Le service est plutôt formel, mais accueillant malgré tout et on nous propose d’emblée une table plus centrée ; il faut dire qu’en ce soir de semaine, la salle n’est pas complète.
Plusieurs formules sont proposées, un menu « Collection » qui rassemble une entrée, deux ou trois plats, fromage et dessert à partir de 80 €. Pour les amateurs, un menu spécial homard décline la bête à toutes les sauces à 110 €, mais nous optons plutôt pour la formule « Jardin secret » plus complet et plus varié et qui coûte 125 €. Servi obligatoirement à l’ensemble de la table, il repose sur six étapes, sans compter les amuses-bouche, mignardises et trous normands dans la plus grande tradition de la gastronomie française. En effet, même si la cuisine s’est adaptée aux dernières tendances, Les Trois Dômes tiennent manifestement à préserver ces anciennes habitudes, de la même manière que l’on a forcément fromage et dessert, ce n’est jamais au choix. Point appréciable, la gamme complète sera servie à tous les menus, y compris les moins chers d’entre eux : quelque soit votre budget, vous aurez les mêmes prestations. On commence ainsi avec deux amuses-bouches de suite, un premier ludique avec un trio étonnant, mais inégal, composé notamment d’un bonbon à la mozzarelle qui manquait un peu de goût et d’un macaron à la tomate un poil trop sucré. Entre les deux, la moule au quinoa était une excellente bouchée, pleine de saveurs. Le deuxième amuse-bouche à base de courgettes et ricotta était un petit peu trop salé à mon goût, mais une bonne entrée en matière avant le début du menu à proprement parler.
On commence la soirée avec deux entrées marines et tout d’abord, de l’araignée de mer, un excellent crustacé au goût très marqué qui était accompagné ici très classiquement de mayonnaise. Ce n’était pas très copieux, on est presque dans la bouchée avec une telle quantité, mais une véritable explosion de saveurs en bouche, notamment grâce au jus de carcasse posé en gelée sur la chair. L’écume qui l’accompagne ajoute encore un petit peu de force et c’est vraiment un excellent ensemble, même si on aurait aimé une bouchée ou deux de plus. Néanmoins, le menu est long et cette première assiette légère est compensée par la deuxième, un classique lyonnais puisqu’il s’agit d’une quenelle de brochet, sauce aux écrevisses. Difficile d’y échapper à Lyon, mais quand c’est bien fait comme c’était le cas ici, c’est un délice dont on ne se passe décidément pas. La quenelle est ferme et elle a un vrai goût de brochet, on sent bien qu’il y a de la chair du poisson dans la recette. La sauce aux écrevisses est tout simplement parfaite et l’idée de faire reposer le tout sur un lit d’épinards est une excellente surprise. L’association fonctionne très bien et on sauce la crème jusqu’à la dernière goutte. Le premier plat, du poisson, déçoit d’autant plus que cette quenelle était bonne. L’Omble Chevalier est réduit à un tout petit morceau trop cuit et écrasé par la croustille de cheveux d’ange. Les asperges autour sont bonnes et relevées de parmesan, mais le poisson aurait dû être la star et c’était un petit morceau sec, dommage. Fort heureusement, le niveau remonte très vite. Le petit trou normand est servi dans un gros glaçon creusé, une excellente idée pour préserver le granité agrumes et génépi rafraichissant comme il se doit.
Il est temps de passer au deuxième plat, de la viande cette fois et en l’occurrence du filet de bœuf Salers servi en brochette et normalement en alternance avec du foie gras. Pour ceux qui n’en veulent pas, le chef est accommodant et peut le remplacer par davantage de morceaux de bœuf. La tendreté de la viande est remarquable, tout comme son goût intense : c’est un régal, tout simplement, et le jus de viande au vin rouge est maîtrisé à la perfection. Les Trois Domes ne réinvente pas la roue avec cette assiette, mais que c’est bon ! Même topo sur le plateau de fromages affinés par la Mère Richard, un classique indépassable qui donnait vraiment envie. La sélection est variée et tous les fromages goûtés affinés précisément comme il le fallait : rien à redire. À ce stade, l’estomac bien rempli apprécie le pré-dessert, une panna cotta au citron bien fraiche, gourmande et légère à la fois. Et quand le dessert principal arrive, une surprise nous attend : jusque-là, la cuisine servie était très classique, pas vieillotte, mais plutôt dans la tradition et présentée de façon moderne. Le dessert, intitulé « Le Cigare Chocolat » n’avait rien de classique, puisqu’il s’agissait d’un trompe-l’œil plus vrai que nature. Un biscuit fin rempli de mousse au chocolat et Baileys faisait office de cigare, deux biscuits représentaient des allumettes et surtout l’assiette était fumante. Avant de partir en salle, on a sans doute donné un coup de chalumeau en cuisine et il fallait éteindre son cigare dans une cendre comestible avant de le manger. C’est très impressionnant et amusant, mais le concept a peut-être été poussé trop loin. À l’autre extrémité du cigare, le goût de fumée est subtil et s’accorde bien au chocolat, mais le côté brûlé était vraiment trop amer. Et la glace au safran est originale, mais apportait peut-être encore trop de goût et de complexité. C’est dommage, mais l’idée est bonne et le chocolat légèrement alcoolisé était vraiment bon.
Avant de quitter les lieux, vous aurez encore droit à quelques excellentes mignardises, avec en particulier une mini-tartelette à la passion qui était excellente. C’est aussi ça, un grand restaurant, des attentions tout au long du repas et une expérience complète. Les Trois Domes fait peut-être payer un peu cher a vue exceptionnelle, mais la nourriture servie reste malgré tout d’un excellent niveau. L’adresse mérite amplement son étoile au guide Michelin et même s’il y a eu un faux pas ou deux pendant le repas, nous avons passé une excellente soirée.