Quelle étrange saga ! À l’origine, Cloverfield était un faux-documentaire plutôt réussi sur une histoire de monstres extrêmement banale, mais rien ne laissait supposer avec ce premier long-métrage qu’il y avait un univers à creuser. Et pourtant, huit ans après l’original, 10 Cloverfield Lane est officiellement une suite, même si ce petit film sympathique et assez efficace semble avoir été collé au volet précédent à la dernière minute et de façon assez maladroite, il faut bien le dire. Et voici maintenant The Cloverfield Paradox, un troisième épisode qui forme une trilogie, en attendant peut-être davantage… nul ne le sait. Sorti sans prévenir sur Netflix plutôt qu’au cinéma, ce nouvel opus réalisé par Julius Onah, inconnu au bataillon, est à nouveau un petit film pas totalement raté, parfois même sympathique, mais qui peine encore à trouver un lien avec la saga. Nul ne sait pourquoi, au fond, J.J. Abrams tient à développer cet univers et ce projet serait certainement meilleur s’il n’avait pas à expliquer l’origine du monstre. Néanmoins, ce n’est pas le seul défaut du film et The Cloverfield Paradox peine à dépasser le stade de la curiosité vite vue, vite oubliée.
The Cloverfield Paradox se présente comme une dystopie extrêmement conventionnelle, un environnement dans un futur que l’on imagine assez proche, où les sources d’énergie viennent à manquer. Pour trouver une nouvelle énergie, l’humanité compte sur une source qui touche à la physique quantique et par sécurité, construit un immense laboratoire dans une station spatiale en orbite autour de la Terre. Après une courte présentation du personnage principal, toute l’intrigue se déroule au bord de cette station spatiale, où, on s’en doute, les choses ne vont pas se passer comme prévu. Julius Onah n’essaie même pas d’être original, du moins pas au début. Son scénario suit un plan très conventionnel, avec une série d’expérimentations ratées au départ, puis l’activation du dispositif qui entraîne une série de catastrophe. Il faut reconnaître que l’ambiance est réussie, pas vraiment inquiétante, mais plutôt fun. C’est comme si le réalisateur partait du principe que l’on savait ce qui allait se passer et il n’essaie même pas de surprendre, il se contente de dérouler son histoire avec une pointe de légèreté bienvenue. Quand tout déraille et que l’on découvre que deux dimensions se sont croisées par erreur, les scénaristes imaginent quelques idées un petit peu plus audacieuses et il y a une séquence ou deux qui sont même vraiment amusantes. C’est tout particulièrement le cas du bras, mais cette section est dans l’ensemble plus réussie. The Cloverfield Paradox semble avoir comme mission de rassembler les peurs les plus fréquentes au cinéma, et c’est plaisant… même si, probablement parce qu’il faut relier le film à la saga, cela ne dure pas vraiment. De fait, Julius Onah revient trop vite à un ton sérieux malvenu dans cet univers sans intérêt. Toute la partie sur l’univers parallèle est simpliste — la sophistication d’un Fringe est tellement loin… — et ne parlons même pas des tentatives ridicules d’attendrir les spectateurs avec l’héroïne. Le long-métrage aurait mérité une bonne dose de second degré, mais il reste sérieux jusqu’au bout, ce qui décrédibilise l’accrochage maladroit à la saga à la toute fin. Au moins, le réalisateur n’a pas essayé d’en faire trop comme son prédécesseur, mais cela ne sauve pas le film pour autant, pas plus que cela masque l’origine totalement différente du projet.
Sortir le film sur Netflix plutôt qu’en salles était un bon moyen de maintenir le secret sur The Cloverfield Paradox et ainsi de perpétuer la tradition de la saga. Mais il faut être honnête, cela ressemble aussi à une porte de sortie pour ce projet porté à l’origine par la Paramount et qui aurait probablement été un échec au cinéma. Non pas que la première réalisation de Julius Onah soit catastrophique, non, mais ce n’est pas non plus un film mémorable, loin de là. Fun par moments, il reste dans l’ensemble beaucoup trop sérieux et plombé par ce lien artificiel à la saga. À l’heure des bilans, on le regarde sans trop souffrir, mais on pourrait aussi très bien s’en passer.