Situé au cœur de la zone d’activité de Créac’h Gwen, au sud du centre de Quimper, le restaurant Allium ne vous attirera peut-être pas par son cadre ou sa devanture. L’enseigne est placée dans un bâtiment anonyme au milieu des entreprises de la zone et il est très facile de passer à côté. Ce serait dommage pourtant, car vous passeriez à côté d’un établissement étoilé au Guide Michelin et surtout d’une excellente cuisine portée par une implacable exigence de qualité et par des associations de goût audacieuses qui font mouche. Un vrai coup de cœur, qui mérite un détour à Quimper !
Si la façade quelconque pourrait ressembler à celle d’un Courtepaille, on se sent dans le confort d’un restaurant gastronomique dès le pas de la porte. La grande salle est baignée de lumière, les tables sont bien espacées, le mobilier de qualité et la décoration de goût. C’est un cadre très accueillant et très agréable et même pleine, la salle d’Allium reste plaisante, un bon point. Sans attendre, la carte arrive et on découvre une proposition très limitée. Quatre menus pour les déjeuners en semaine, trois les soirs et le week-end, dont un entrée/plat/dessert à 55 €. Le menu star des lieux se compose, au choix, de quatre ou sept plats, voire huit en optant pour le fromage. Les tarifs montent alors, jusqu’à 95 € pour la formule « Effet mer » qui fait la totale, avec ses deux entrées, deux plats et deux desserts. C’est une somme importante et un grand nombre de plats, mais il est difficile de résister face aux propositions du chef. À noter que le même menu sera servi à la table entière, un point à prendre en compte pour les groupes. En revanche, pour les vins, il n’y a rien d’obligatoire et c’est une excellente surprise. La sommelière peut composer un accord met/vin à votre demande, vous pouvez avoir un verre par assiette ou bien un seul verre si vous le souhaitez. Le client est roi et nous avons beaucoup apprécié l’opportunité de partager un verre à deux au cours du repas.
Avant de commencer notre menu, les amuse-bouches arrivent et ils sont déjà d’un très haut niveau. On commence avec pas moins de quatre bouchées, du choux enroulé autour de mascarpone sur un pain soufflé bien craquant, de la Saint-Jacques sur un fond de panna cotta, un accra de maquereau et une huître travaillée avec de la sauce soja et des pommes. Chaque bouchée est une explosion de saveurs en bouche, mention spéciale à l’accras particulièrement bon, mais l’huître est aussi excellente. Comme si cela ne suffisait pas, une pré-entrée arrive ensuite, cette fois un morceau de maquereau cru dont la peau a été grillée au chalumeau, accompagné d’une coque et d’un sorbet au basilic. La qualité et la fraîcheur extrême du poisson est évidente et cette petite assiette permet de découvrir une nouvelle saveur à chaque bouchée. C’est un délice et on n’a encore même pas attaqué le menu, le chef a placé la barre très haute pour ce repas. Fort heureusement, la première entrée ne déçoit pas, bien au contraire. Le menu annonçait des langoustines XXL et crispy, et ce n’était pas une exagération. Nous n’avions jamais vu de telles langoustines, on aurait davantage pensé à des gambas, mais avec la saveur bien plus profonde et intense du crustacé breton. La langoustine est cuite à la perfection, la chair encore nacrée, et la panure est croustillante, mais discrète, pour ne pas surmonter la star de l’assiette. Le condiment exotique sous la langoustine et surtout l’excellente mayonnaise chaude en espuma sont de très bons accompagnements, mais les gouttes de jus de carapaces ajoutent une profondeur exceptionnelle à l’ensemble. Une entrée digne des meilleurs restaurants et une assiette bluffante, tout simplement.
Après une telle entrée en matière, la suite du menu se devait de baisser légèrement, mais les ormeaux étaient également très bons. Peut-être moins spectaculaires et « parfaits » que la langoustine, mais ce crustacé trop rare était bien cuisiné et servi en quantités plus que généreuses. Simplement grillé, il baignait dans un bouillon de bœuf très fumé, et accompagné d’astucieux carrés de tofu au sarrasin. L’Allium utilise la fameuse plante, très utilisée en Bretagne, comme un fil conducteur de tous ses plats et cette idée de l’associer à l’ormeau était très bonne. On reste avec la mer sur le premier plat, du Saint-Pierre à la fraîcheur impeccable, encore bien ferme comme il se doit et ce poisson était vraiment délicieux. L’accompagnement n’est pas en reste, avec trois variations autour des courges, dont des gnocchis de potimarron relevés avec du parmesan qui avaient une belle longueur en bouche et apportaient un contrepoint intéressant à la douceur du Saint-Pierre. Après trois étapes maritimes, place à la mer avec le plat suivant, du cochon « Ibérico » accompagné de céleris et de grains de sarrasin cuits comme un risotto. Le morceau de viande présenté est généreux, bien grillé, mais épais et assez gras, ce qui lui permet de rester bien tendre et d’éviter l’écueil du porc sec. C’est très bon en soi, mais il est sublimé par les accompagnements, entre Bretagne et Japon, avec du miso sur le côté de l’assiette en guise de condiment et la douce amertume du sarrasin, y compris sous la forme d’un espuma de sobacha, du thé japonais à base de la plante. Tous ces ingrédients s’assemblent harmonieusement, on n’en laisse pas une goutte dans l’assiette.
Certains restaurants gastronomiques délaissent un petit peu les desserts et se contentent de servir de grands classiques qui peuvent être très bons, mais pas à la hauteur de ce qui précède. Rien de tel ici, et Allium nous a proposé deux excellents desserts, originaux et gourmands. Le premier se construit autour de la mangue, rôtie avec des baies roses, et surtout accompagné d’un guacamole sucré et d’une glace au persil. Oui, vous avez bien lu : ce fruit sucré est associé à de l’avocat et à une herbe, deux composants que l’on ne retrouve pas souvent dans les desserts. Et il ne s’agit pas d’épater la galerie ou de choquer pour le plaisir, non, il s’agit de composer un excellent dessert. C’est difficile à croire sur le papier, mais la glace au persil est une super idée, à la fois pour ajouter de la profondeur au plat, mais aussi pour l’alléger. Le sucré du fruit, le gras du guacamole et la fraîcheur du persil s’assemblent et s’équilibrent, tandis qu’un biscuit apporte le croquant nécessaire… une très belle réussite. Le dessert au chocolat était plus conventionnel en apparence, avec ses fines feuilles et sa ganache, mais le choix du céleris avait aussi de quoi étonner. Surtout servi sous la forme de tubercules, une racine bien présente et inattendue, mais qui apporte aussi une saveur supplémentaire et intéressante. Le chocolat « Nyangbo » du Ghana a une belle longueur en bouche, le sorbet cacao apporte la fraîcheur nécessaire, c’est encore une fois équilibré et délicieux. Pour ne rien gâcher, les mignardises qui concluent le repas sont très bonnes, avec une excellente pâte de fruits exotiques, une très bonne panna cotta aux amandes agrémentée de bulles de yuzu, un macaron café plus classique et surtout un étonnant cône au miel. La garniture avait un goût mielleux marqué, c’est original, gourmand et en même temps léger, impeccable pour conclure le repas.
Un sans-faute pour Allium ! Cette adresse n’a pas volé son étoile au Guide Michelin, elle propose une cuisine gastronomique excellente dans un cadre très plaisant. Les assiettes sont toutes imaginées à partir de produits locaux, frais et de qualité irréprochable. Cette recherche de qualité et de nature est revendiquée par le chef dès le panneau à l’entrée du restaurant, et le résultat est là dans l’assiette. Il fallait trouver les bonnes idées, associer des saveurs originales et composer des plats savoureux, mais tout cela ne serait rien sans les produits de base et le chef l’a très bien compris. Le menu complet n’est pas donné, c’est vrai, mais la qualité et l’originalité sont bien au rendez-vous. Une adresse à retenir…