L’éveil d’Endymion se déroule quelques années après les événements décrits dans Endymion, mais dans la droite lignée de ce qui était narré. Comme les deux premiers volets de sa saga, Dan Simmons a conçu les deux derniers volumes comme un tout continu, sans rupture majeure entre chaque roman. On retrouve ainsi les mêmes personnages là où on les avait laissés, sur la Terre alors que la guerre entre la Pax et Énée reprend de plus belle. Endymion prenait des allures de récit d’aventures assez linéaire, L’éveil d’Endymion est beaucoup plus ambitieux et prend des allures de space opera intersidéral. Il faut dire qu’il est temps de conclure la série et d’apporter les réponses aux questions laissées en suspens jusque-là. Cela fait beaucoup et ce dernier roman est très dense et épais, avec de multiples séquences d’explications sans pour autant renoncer à l’aventure et à l’action. C’est toujours très divertissant et à l’image de toute la saga, c’est une valeur sûre si vous aimez la science-fiction.
Quatre ans se sont passés depuis qu’Énée, Raul et A. Bettik se sont retrouvés sur la Terre, disparue depuis des siècles après avoir été avalée par un trou noir. L’éveil d’Endymion reprend après une période où il ne s’est manifestement pas passée grand-chose. La Pax a perdu la trace de la jeune fille qu’elle cherchait à détruire et tout était comme en suspens. On s’en doute, le récit ne pas en rester là et le romancier relance les hostilités de plus belles. D’un côté, l’Église catholique du future, qui agit en fait sous les ordres du TechnoCentre, se lance dans une grande croisade contre les Extros, ces humains qui ont muté pour vivre dans l’espace. De l’autre, Énée a terminé sa formation et elle s’apprête à porter sa « bonne nouvelle », une menace qui effraie la Pax à tel point qu’elle est prête à tout pour l’annihiler. La guerre totale peut commencer et Dan Simmons va nous faire voyager à travers tout l’univers connu pour la mettre en scène. De Mars à Pacem, en passant par T’ien Shan, la planète montagneuse qui a recueilli les boudhistes. L’intrigue est ainsi plus complexe que dans Endymion, mais on peut compter sur les talents du romancier pour ne pas nous perdre dans les méandres de son histoire. On suit en même temps plusieurs points de vue, celui de Raul qui va d’abord chercher le vaisseau du consul abandonné au début du tome précédent, celui du Pape et de ses proches, et encore celui des créatures de synthèse envoyées par le TechnoCentre pour détruire Énée. L’action est toujours bien au rendez-vous, sur plusieurs planètes différentes et dans l’espace avec le plus grand combat de la saga quand la Pax décide d’abattre toute sa puissance contre les Extros. L’éveil d’Endymion est à cet égard très prenant et aussi facile à lire que ses prédécesseurs et même s’il est aussi le plus épais de tous, on avance à un bon rythme et avec plaisir.
De l’action et de l’aventure, il y en a bien et Dan Simmons prouve à nouveau qu’il excelle dans la création de mondes originaux. Ce n’est pas tellement le cas pour Pacem, réplique peut-être un peu trop fidèle de Rome, tout comme la Pax est une reproduction pas toujours très inspirée de l’Église catholique telle qu’on la connaît à notre époque. En revanche, T’ien Shan est une construction beaucoup plus intéressante, inspirée par le Népal terrien, mais avec une bonne dose d’idées originales. Toute cette partie s’éloigne de la science-fiction brute et offre un excellent équilibre entre les inspirations asiatiques et le récit d’aventure qui met bien en valeur les dangers du lieu. C’est l’un des points forts de ce roman, où l’on s’éloigne de la science-fiction pure comme la saga a pu le faire à plusieurs reprises déjà. Dans cette quatrième partie, l’heure est aussi venue aux réponses et le roman essaie d’en apporter un maximum. Non pas que les trois précédents volumes se contentaient de poser les questions, mais pour la première fois, L’éveil d’Endymion éclaire des points importants sur l’univers sorti de l’imagination du romancier. À travers plusieurs discours ou discussions d’Énée, on apprend ainsi la vérité sur les intelligences artificielles, sur le Vide qui lie, sur le voyage à travers l’espace, sur l’origine du Gritche ou encore sur le cruciforme qui ressuscite son porteur et que la Pax a exploité à son avantage. Il y a beaucoup d’informations, peut-être parfois un poil trop, même si Dan Simmons maîtrise bien son rythme et parvient à glisser ses explications au milieu du reste pour éviter l’ennui. Dans ce volume, on retisse aussi de nombreux liens avec les personnages découverts dans Hypérion, ce qui est une récompense plaisante pour le lecteur à la fin de cette saga. On sent que l’auteur a cherché à fermer le maximum de boucles et d’offrir une conclusion aussi complète que possible, et c’est une réussite à cette égard.
Dan Simmons offre ainsi une conclusion épique à la hauteur de la saga. Les trois romans précédents ont composé un univers riche et encore très mystérieux, L’éveil d’Endymion ne le referme pas, mais il offre de nombreuses réponses, tout en assurant un grand spectacle digne d’un blockbuster. C’est un bel exercice d’équilibriste et la lecture de ce dernier volume est très plaisante et fun. Les cantos d’Hypérion ont perdu en originalité sur la deuxième moitié, c’est indéniable, mais cela ne veut pas dire pour autant que c’est raté. Au contraire même, L’éveil d’Endymion est un excellent récit de science-fiction que tous les amateurs se doivent de lire.