Alex Garland n’a peut-être réalisé que deux longs-métrages, mais il s’est fait une belle réputation parmi les fans de science-fiction. Après Ex Machina et Annihilation, la promesse d’une série entière était belle. D’autant que si le sujet de base de Devs semblait très convenu, on savait que le cinéaste excelle dans l’art de surprendre et de tirer des histoires connues sur des terrains nouveaux. Malheureusement, la déception s’avère à la hauteur de ces attentes. La série créée par FX commence pourtant très bien, avec une reconstitution glaçante d’une Silicon Valley très proche de la nôtre et la promesse d’une histoire folle. Devs s’avère finalement très banal et même si l’ambiance et le style sont une réussite, cela ne suffit pas à sauver cette série. Dommage…
Devs se déroule dans un San Francisco qui pourrait être le nôtre, mais qui est légèrement décalé. On peut imaginer que l’intrigue se déroule dans quelques années, pas très loin malgré tout, juste assez pour que les développements sur l’informatique quantique aboutissent et qu’une entreprise, Amaya, parvienne à maîtriser cette technologie. Lily et son petit ami Sergueï y travaillent tous les deux et leur vie ressemble probablement à celle de n’importe quel ingénieur informatique de la Silicon Valley aujourd’hui. Mieux vaut ne pas trop dévoiler de l’intrigue principale, parce que la série compte sur une série de rebondissements et de surprises. Disons seulement qu’Alex Garland brasse des thématiques classiques en science-fiction, des mondes parallèles au voyage dans le temps, en passant par l’intelligence artificielle et les simulations. À cela, il ajoute une bonne dose de philosophie, sur fond de déterminisme et de libre-arbitre. Mélangez bien, ajoutez une photographie qui fait la part belle au mystère et qui offre des plans magnifiques de San Francisco et vous obtenez une fiction vraiment intéressante et intrigante pour qui apprécie de se laisser porter. De fait, les premiers épisodes sont très réussis, à condition de passer outre des exposés philosophico-informatiques parfois un petit peu lourds et même limite pompeux. Malgré tout, les promesses sont là et on a hâte de savoir ce que le scénario nous réserve. Hélas, Devs est nettement moins intéressant que ce que l’on pouvait imaginer. Le réalisateur multiplie les choix bizarres, en imaginant une sombre histoire d’espionnage russe qui n’a vraiment rien à faire ici, et surtout en insistant beaucoup trop lourdement sur l’aspect religieux. Son idée que les patrons de la Silicon Valley se prennent pour des messies est intéressante, à défaut d’être vraiment nouvelle, mais il tire l’analogie si loin qu’elle finit par écraser tout le reste. Même chose avec la philosophie d’ailleurs, Alex Garland manque cruellement de subtilité dans ses explications et son utilisation des concepts, si bien que l’on a parfois le sentiment de voir Le déterminisme pour les nuls illustré. La série étouffe sous ses idées grossièrement imposées et elle est beaucoup moins intelligente qu’elle ne veut bien le dire. Contrairement aux deux longs-métrages précédents du réalisateur, ces huit épisodes se contentent d’enchaîner les lieux communs de la SF et ils ne sont au fond pas très intéressants.
C’est vraiment dommage : on devine comment Devs aurait pu être une grande série de science-fiction, mais le résultat est plus proche d’un mauvais épisode de Black Mirror, étalé sur huit épisodes. La création de FX reste bien réalisée, sa bande-originale est agréable et on ne passe pas un mauvais moment, mais Alex Garland n’a pas réussi à créer la grande œuvre qu’il imaginait. Et à trop se concentrer sur la philosophie et la religion, il en a oublié de créer des personnages intéressants et riches psychologiquement, si bien que l’alchimie ne prend pas. Quelle déception…