Belle idée que de transposer au cinéma Les Trois Mousquetaires. Ce récit plein d’héroïsme d’Alexandre Dumas est roman d’aventures comme on en fait plus et cette adaptation aurait pu donner un bon blockbuster, plaisant et si romanesque. Las, la version de Paul W.S. Anderson cède aux sirènes du steampunk et préfère suivre de très près le succès de la saga Pirates des Caraïbes. Sans surprise, le résultat est plutôt vain et assez déplaisant : un film d’action aux énormes ficelles et très vite oublié, où même le grand spectacle attendu n’est pas vraiment au rendez-vous.
Les Trois Mousquetaires, le film, suit à peu près la moitié du roman original d’Alexandre Dumas. On y découvre ainsi le jeune d’Artagnan, gascon désargenté de 18 ans qui débarque à Paris la tête pleine de rêves et de glorieux récits de mousquetaires. La désillusion ne se fait pas attendre : le jeune homme tombe, par hasard bien sûr, sur trois mousquetaires, les derniers représentants d’une confrérie en passe de disparaître sous la régence de Richelieu. Athos, Aramis et Porthos sont tous trois provoqués en duel par le jeune impétueux qui se révèle aussi excellent combattant lors d’un combat qui oppose finalement les mousquetaires et d’Artagnan contre la garde de Richelieu. Ce premier combat amène nos compères devant le roi Louis XIII avant de les envoyer, par un concours de circonstances, en Angleterre chercher un des joyaux de la Reine dissimulés dans la Tour de Londres, rien que cela. L’histoire est connue et sans surprise, on se contentera néanmoins de dire pour tous ceux qui n’ont jamais lu la prose d’Alexandre Dumas que la fin est ouverte. Il reste encore de quoi raconter dans l’univers des Trois Mousquetaires…
Les adaptations au cinéma du livre ne manquent pas et Paul W.S. Anderson a fait le pari de moderniser ce récit pour le rendre plus dynamique et plus attractif. Dans ce travail de modernisation, il y a quelques idées plutôt bienvenues, quoi déjà un peu trop vues. Les combats à l’épée rappellent les grandes heures des films de capes et d’épées, mais filmées de manière plus moderne, avec force ralentis, façon Sherlock Holmes. Ces petites touches qui manquent parfois de discrétion participent à la modernisation de l’œuvre, ce qui n’est pas forcément un mal. Paul W.S. Anderson est allé beaucoup plus loin notamment, beaucoup trop loin… Les Trois Mousquetaires reprend le schéma général de l’œuvre de Dumas, mais en lui ajoutant une ambiance steampunk qui était bien évidemment absente du roman-feuilleton original. Une astuce scénaristique sans intérêt (la découverte de manuscrits de Léonard de Vinci) permet au film d’introduire des bateaux… volants. Alimentés par des machines à vapeur, ces aéronefs, comme ils sont appelés dans le film, déplacent les combats dans les airs et sont l’occasion de quelques scènes jugées certainement plus spectaculaires que si elles avaient été tournées sur la mer. Que l’on en juge : la Tour de Londres est attaquée par un de ces aéronefs qui se fait ensuite attaquer par un autre, plus gros. Le combat se termine… sur les pointes de Notre-Dames de Paris puis dans les jardins de Versailles, rien que cela. L’ensemble paraît de fait assez grotesque, d’autant que cet univers n’apporte strictement rien d’intéressant à l’histoire…
Quand des navires volent dans les cieux à l’époque de Louis XIII, il est difficile de parler d’anachronismes. Comme souvent dans le cinéma américain populaire, Les Trois Mousquetaires est plein d’incohérences temporelles. On ne les citera pas toutes, il faudrait des années pour le faire, mais un seul anachronisme en dit long sur le niveau du film. Louis XIII loge ici… à Versailles. Certes, Versailles existait à l’époque, mais pas sous la forme que l’on connaît actuellement, il n’y avait alors qu’un pavillon de chasse et certainement pas l’immense château qu’a construit Louis XIV, pas mal d’années plus tard. Tout est à l’avenant : le roi est présenté comme un gamin écervelé qui ne s’intéresse qu’à la mode, tandis que l’on voit un styliste avec des lunettes teintées en violet… Tout cela se veut sans doute original, fun, décalé… mais rien ne fonctionne. C’est d’ailleurs un sentiment général dans ce film : Les Trois Mousquetaires est bien trop téléphoné pour amuser, on sait à peu près tout de son déroulement avant même qu’il commence et Paul W.S. Anderson ne nous déçoit pas sur ce point, malheureusement… Tout cela pourrait encore passer si au moins les personnages étaient intéressants, mais là encore, le bat blesse. Aucun acteur ne semble croire à cette version modernisée des Trois Mousquetaires et tout sonne malheureusement bien faux.
Si tout semble désespérément faux dans Les Trois Mousquetaires, c’est sans doute parce que la réalisation est loin d’être au niveau minimum d’un blockbuster en 2011. Toutes les séquences créées à l’ordinateur semblent avoir quelques années, les fonds et notamment les villes font vraiment faux, plus toc que du carton-pâte, pareil pour les armées démultipliées. On se demande vraiment comment un tel résultat a pu être obtenu pour un film qui a sans doute été doté d’un budget confortable. C’est comme si personne n’avait vraiment cru au film, ni le réalisateur, ni la production, encore moins les acteurs. Dans le lot, d’Artagnan en jeune naïf est le moins raté, même si la tête de minet de l’acteur est là uniquement pour permettre à la cible du film de s’identifier ou de se pâmer. Christoph Waltz compose un excellent cardinal Richelieu, mais c’est encore le même personnage pour cet acteur qui n’impressionne plus autant. Ne parlons pas des personnages secondaires censés faire rire, comme le lourdaud serviteur des mousquetaires qui peinera même à faire rire les plus jeunes… Inutile également d’évoquer la musique, omniprésente, lassante, manquant absolument d’originalité.
J’espérais au moins un peu de détente, à défaut d’un grand film, en entrant dans la salle pour voir Les Trois Mousquetaires. Las, le plaisir n’a pas été vraiment au rendez-vous : trop caricatural, trop attendu, trop anachronique et des personnages qui ne croient même pas à l’heure histoire. C’est dommage, le roman d’Alexandre Dumas pourrait donner de belles adaptations, encore aujourd’hui. Manifestement, ce sera pour une autre fois.