Atlanta est une série créée par, écrite par, produite par et jouée par Donald Glover. La vie et l’univers de l’artiste infusent cette création portée par FX, ce qui lui donne un ton très original, avec un humour bien particulier autant qu’une vision tranchée de la société américaine. La première saison pourrait être une comédie sur la montée en puissance d’un rappeur et son cousin manager, mais la deuxième surprend en s’éloignant de ses personnages et en osant des idées plus folles. C’est en partie lié aux absences de Donald Glover, le tournage des onze épisodes de la deuxième saison se déroulant en même temps que celui de Solo: A Star Wars Story ; c’est surtout le signe qu’on ne peut pas si facilement ranger Atlanta dans une seule case. Son créateur entend garder sa liberté et traiter des sujets variés et l’histoire de Paper Boi n’est au fond qu’une excuse. Une série parfois drôle, souvent dure et poignante : un regard sans concession sur les États-Unis.
Donald Clover choisit de commencer sa série avec un pilote déjà bien chargé sur la société américaine. Une confrontation entre un rappeur surnommé Paper Boi, qui est aussi le titre de son premier succès, et un inconnu sur un parking se termine avec un coup de feu. La violence qui gangrène le pays est mise en avant, tout comme la pauvreté alors que Earn, le personnage principal, ne parvient pas à s’en sortir avec des petits boulots qui ne suffisent pas à sa famille. Il a eu une fille avec sa copine et ils étaient tous les deux beaucoup trop jeunes. Pour assumer cette charge, Earn a arrêté l’université trop tôt et il se retrouve quasiment à la rue, rejeté par ses parents qui ne veulent plus l’aider, aidé uniquement par « Van », la mère de son enfant qui accepte presque par charité de le laisser dormir chez elle. C’est alors qu’Earn essaie de convaincre Paper Boi, son cousin, de devenir son manager. La première saison d’Atlanta se concentre essentiellement sur ce fil narratif, alors que la carrière du rappeur décolle. Ce n’est pas l’American Dream pour autant, la reconnaissance tant espérée par tous les jeunes qui essaient de percer dans la musique ne s’accompagne pas d’une rétribution décente. Les personnages galèrent toujours au quotidien et Donald Glover présente le quotidien difficile de tant d’Afro-Américains, rejetés par une société blanche et qui peuvent n’avoir que des mauvais choix à leur disposition. Difficile de sortir d’une telle galère, d’autant que la violence, policière en particulier, est toujours là à guetter. La deuxième saison avance encore davantage vers cette critique en règle des États-Unis — mais qui pourrait aussi s’appliquer chez nous —, en s’éloignant un petit peu d’Earn et de Paper Boi. Les personnages principaux sont toujours là, néanmoins Atlanta va explorer des pistes différentes. Retour dans l’enfer du collège le temps d’un flashback, invraisemblable tournée avec un coiffeur, chasse à l’homme dans les bois et un épisode incroyable où Donald Glover se déguise en musicien avec une whiteface… les thèmes sont plus variés et la série se perd un petit peu. L’objectif est très clair, il s’agit de dénoncer tous les travers de la société américaine contre les Afro-Américains et aussi des propres travers de cette communauté. C’est d’une efficacité redoutable et toutes ces confrontations au racisme ambiant sont d’une intensité rare. Enchaîner les épisodes peut vite devenir pesant et on apprécie les épisodes qui se recentrent sur le rappeur et son entourage, mais c’est bien la preuve que la série vise juste et tape là où cela fait mal.
La fin de la deuxième saison d’Atlanta annonce un gros changement pour Paper Boi et pour tous ceux qui l’entourent. Que faire ensuite ? Donald Glover ne manque pas d’idées et FX a accepté de financer deux saisons qui ont été retardées par la pandémie de Covid, mais qui devraient sortir dans les prochains mois. Le créateur de la série a déjà prouvé qu’il pouvait l’emmener sur de nouveaux terrains, mieux vaut dans ces conditions ne pas trop s’avancer et se laisser porter par ce qu’il a prévu. En attendant, Atlanta n’est pas toujours une série facile à regarder, mais c’est précisément pour cette raison qu’elle en vaut la peine.