Installé dans une maison du XIXe qui surplombe la Loire, le restaurant L’Atlantide 1874 offre une très belle vue panoramique sur le fleuve et l’île de Nantes. C’est un argument pour venir y manger, mais ce n’est pas le premier, ni le plus important sans doute. Jean-Yves Guého n’a pas volé son étoile au Guide Michelin qu’il conserve depuis vingt ans : le chef de cette adresse gastronomique propose une cuisine très juste et parfois inventive, mais qui donne toujours la priorité aux produits. Que vous veniez pour un déjeuner ou diner rapide, ou que vous vous installiez confortablement pour déguster le menu de dégustation du chef, c’est une excellente adresse nantaise.
La salle du restaurant domine la vallée de la Loire et si vous avez la chance d’avoir une table près des baies vitrées, vous pourrez profiter de la vue. Dans tous les cas, le cadre est moderne et confiné, comme il se doit dans un restaurant gastronomique, même si le service est un petit peu trop guindé, c’est le défaut de certains restaurants étoilés. Qu’importe, avant même que la carte n’arrive, les premiers amuses-bouche sont déposés sur la table. Un geste apprécié, avant même la moindre commande, et qui permet de découvrir la cuisine du chef en amont. La petite tartelette au saumon est savoureuse, le foie gras au vin rouge très gourmand pour les amateurs et le petit choux contient une crème aux anguilles qui explose en bouche… première approche très convaincante en effet ! Avant de continuer, on découvre la carte et ses deux menus. C’est assez simple en fait : une formule déjeuner avec entrée, plat et dessert à 40 € (l’équivalent pour le diner est aussi proposé à 50 €) et un menu gastronomique en cinq ou neuf services, pour 70 ou 100 €.
Nous ne résistons pas à l’attrait de la formule la plus complète, qui contient plusieurs plats qui nous intriguent. Le repas commence avec une deuxième mise en bouche, cette fois autour de la courge avec une raviole de butternut qui cache un chutney du même légume. Le légume encore cru est bien croquant, le chutney apporte une bonne acidité au plat, contre-balancée par la douceur d’une crème au chèvre : très bon. Le repas commence vraiment avec la première entrée, parfaitement accompagnée d’un verre de Pouilly-Fumé bien frais et rond choisi par le sommelier. Du tourteau, de la pomme et du céleris pour ouvrir le repas, rien que du très classique donc, mais c’est parfaitement exécuté, avec quelques coques pour ajouter une profondeur supplémentaire. Simple, mais très bon avant une deuxième entrée cette fois plus sophistiquée autour de la Saint-Jacques et du cèpe. Les noix sont cuites à la perfection, encore légèrement nacrées et recouvertes d’une couche de viennoise qui apporte beaucoup de douceur. Quelques copeaux et une émulsion de parmesan complètent le côté gourmand que des pickles de cèpes fondants cassent brutalement avec une acidité marquée, pour former une assiette équilibrée et vraiment délicieuse.
Dans ce menu fort justement automnal, le quatrième service est tout entier consacré aux cèpes, avec une tarte fine surmontée d’un crémeux et puis de lamelles du champignon. Ce serait déjà bien gourmand, mais ajoutez quelques fines tranches de lard de Colonatta et un jus réduit de veau et vous obtenez quelque chose de magique, une association de saveurs parfaite et de la gourmandise à revendre. C’est très très bon et on en reprendrait bien davantage, mais le repas est loin d’être terminé encore. On passe aux plats de résistances, avec tout d’abord une belle pièce de daurade royale en cuisson lente, ferme et fondante à la fois. Pour l’accompagner, quelques girolles, un petit peu de pomme de terre et surtout des écrevisses, qui viennent enrichir le plat également par un jus. C’est précis et bien dosé, il n’y a rien à redire vraiment. Pour la viande, le restaurant proposait ce jour-là du Colvert sauvage, un canard au goût bien différent de celui que l’on connaît habituellement en magret. La cuisson rosée est impeccable, et l’accompagnement n’est pas des petits pois dans l’esprit d’un pigeon à la française, comme on pourrait le croire au premier abord. Il s’agit en fait de fregola sarda, des pâtes sardes, des petites billes rondes qui ont été enrobées dans du cresson, ce qui ajoute non seulement de la couleur, mais aussi beaucoup de saveur. Encore une fois, c’est une assiette qui n’appelle aucune critique, c’est bien réalisé et excellent.
Avant d’arriver aux desserts, L’Atlantide 1874 sort un chariot de fromages, à l’ancienne. Vous aurez ainsi le choix parmi une large sélection de fromages, aux laits de vache, de brebis ou de chèvre, avec des produits locaux et quelques incontournables des plateaux. La sélection que nous avons dégustée était très bonne, avec des fromages affinés à la perfection et de bons goûts, sans excès de saveurs fortes. C’est comme avec le beurre demi-sel posé sur la table dès le départ et le pain fait maison fourni à volonté, méfiez-vous et gardez de la place pour les desserts, ils en valent la peine. Le menu en proposait deux, parfaitement adaptés à la saison. Le premier est construit autour du coing, confit et sous forme d’une pâte de fruits pour accompagner un financier et un crémeux aux marrons. Quelques notes de blé noir viennent réveiller l’ensemble et une couche de nougatine apporte du croustillant autant que de la gourmandise, tandis que la glace vanille ajoute la touche de fraîcheur : impeccable. Mais le clou du spectacle, c’est bien le dernier dessert, nommé simplement « Le cèpe de chocolat ». C’est d’abord un trompe l’œil assez convaincant, avec un assemblage de chocolat blanc pour former le pied, une demi-sphère de chocolat pour la tête du champignon et quelques accessoires bien pensés, du chocolat pour la terre et une tuile fine pour une feuille. C’est ensuite un dessert qui ose les associations originales, avec un crémeux aux cèpes dans le pied en chocolat blanc. Bilan, le cèpe se marie admirablement bien avec le chocolat. On pense aux marrons ou à des fruits secs, les associations de goût s’imposent comme une évidence en bouche, ce qui n’était pas le cas a priori. Chapeau, c’est une vraie réussite qui conclut magistralement le repas, même si les mignardises qui suivent sont toutes aussi réussies et pas trop sucrées, une fois n’est pas coutume.
L’Atlantide 1874 ne propose pas qu’une vue impressionnante sur Nantes et un service parfois un petit peu trop présent, c’est surtout un excellent restaurant. Le menu de dégustation complet à 100 € est un très bon rapport qualité/prix, même si c’est une somme qui reste évidemment conséquente, et surtout un menu absolument sans fausse note. Certaines adresses surprennent avec une entrée ou un plat, mais déçoivent avec les desserts. Rien de tel ici, où la précision des goûts et des cuissons est restée impeccable des amuses-bouches aux mignardises. Une belle performance.