Cinémiracles, l’émerveillement religieux à l’écran, Timothée Gérardin

« Peu nombreux, les films religieux peuvent sembler marginaux dans l’histoire du cinéma, et les miracles marginaux dans les films religieux. », explique Timothée Gérardin dans le prologue de son dernier essai. Pourtant, la représentation des miracles au cinéma est bien le thème principal de Cinémiracles, l’émerveillement religieux à l’écran. L’auteur le reconnaît, c’est un sujet spécialisé et il y a fort à parier que vous n’avez pas vu la majorité des œuvres citées par le critique. Fort heureusement, l’auteur en a bien conscience et vous n’avez pas besoin d’avoir vu les dizaines de films et séries listés dans l’index final et cités tout au long de cet essai. Timothée Gérardin prend le temps de contextualiser chaque œuvre, d’éclairer les histoires qui doivent l’être, pour que le lecteur puisse se laisser guider le long de cette étude détaillée et fort intéressante des miracles au cinéma.

Cinémiracles, l’émerveillement religieux à l’écran traite du miracle religieux principalement dans des films, ainsi que dans quelques séries plus récentes. Le corpus d’œuvres s’étend des tous débuts du cinéma, avec des courts-métrages de Méliès réalisés à la toute fin du XIXe siècle, jusqu’à nos jours, les œuvres les plus récentes étant des séries sorties en 2020, quelques mois avant la sortie de l’essai. Comme il l’a annoncé d’emblée, l’auteur a un corpus d’œuvres assez limité, qui pousse à l’exhaustivité. On peut imaginer le vertigineux travail de recherche qui a été nécessaire en amont, on le retrouve dans la documentation très poussée mise en avant par Timothée Gérardin. Inutile de dire que vous n’avez pas besoin de connaître tous les films cités. Vous connaîtrez sûrement les noms les plus connus, Les Dix Commandements, Bruce Tout Puissant ou encore une version ou une autre de Jeanne d’Arc. Ne soyez pas effrayé par la longue liste de long-métrage dont vous n’aurez peut-être jamais entendu parler et encore moins vu, c’est aussi mon cas et je n’ai eu aucun problème à comprendre l’auteur. Ce qui ne veut pas dire que Cinémiracles, l’émerveillement religieux à l’écran est une lecture facile que l’on peut se contenter de lire en diagonale. C’est un essai sérieux qui mérite toute votre attention, et qui a par endroits tendance à aller un petit peu trop loin dans les détails ou les considérations techniques. On sent que l’essayiste a une immense connaissance qu’il veut restituer dans son ensemble, quitte à perdre une fois ou deux ses lecteurs. Ce n’est pas gênant toutefois et on parvient toujours à suivre son analyse.

L’étude est pointue et on peut se demander en commençant la lecture comment on peut en écrire à un essai de plus de 150 pages. L’examen approfondi mené par Timothée Gérardin permet de vite comprendre : le miracle semble être une notion bien définie, jusqu’au moment où l’on se penche plus sérieusement dessus et que l’on réalise que ce n’est pas du tout le cas. Qu’est-ce qu’un miracle ? Faut-il retenir la stricte définition religieuse, ou aborder aussi le sens plus commun, voire englober le genre du fantastique qui en est plein ? Même en se limitant sur l’aspect religieux, la représentation du miracle ouvre de nombreuses questions. Comment faire du grand spectacle, c’est le sens du cinéma après tout, sans tomber dans l’hérésie ? Le cinéma au sens de l’industrie hollywoodienne peut-elle seulement montrer un miracle pur ? Cinémiracles, l’émerveillement religieux à l’écran envisage toutes les questions et surtout multiplie les exemples pour tenter d’y répondre. Des grandes fresques historiques aux œuvres qui se concentrent sur un seul miracle et jusqu’aux films intimistes qui cherchent le miracle dans la vie ordinaire, le miracle au cinéma n’est pas un objet d’étude simple à résumer. L’auteur cherche à savoir comment les réalisateurs mettent en scène l’évènement, est-ce qu’ils le montrent directement ou privilégient leur effet sur les personnes alentours, est-ce qu’ils se concentrent plutôt sur la recherche de preuves, quand c’est la vie de Jésus ou même la présence divine elle-même qui est invoquée. Et s’il y a des miracles et une vision de dieu, c’est aussi qu’il y a l’inverse : le mal et même le diable, représenté explicitement ou non. C’est ce qui explique qu’un film comme L’Exorciste puisse aussi avoir sa place dans cet essai, avec des prodiges qui sont l’antithèse du miracle au sens chrétien.

Difficile de s’attendre à une telle richesse en se lançant dans la lecture de Cinémiracles, l’émerveillement religieux à l’écran. Timothée Gérardin a choisit un angle en apparence très limité, mais la représentation du miracle religieux au cinéma ouvre finalement une longue et fascinante analyse de toute l’histoire du cinéma. Le sujet n’est pas aussi facile d’approche que pour Christopher Nolan, la possibilité d’un monde, le précédent essai de son auteur, mais laissez-vous surprendre et vous découvrirez une facette méconnue et passionnante du septième art.