Sacha Baron Cohen s’est fait une spécialité : la comédie satirique qui ose tout. Depuis sa parodie de rappeur dans Ali G, il enchaîne les personnages comiques très marqués, du Kazakh de Borat à l’homosexuel de Bruno jusqu’au dictateur nord-africain dans The Dictator. Sur le film, ce long-métrage réalisé par Larry Charles promettait une satire efficace de la politique américaine concernant les dictatures africaines. Le résultat est plus décevant : si les manières de Sacha Baron Cohen plairont à ses fans, la comédie manque de mordant et elle se fait rapidement oublier…
L’Amiral Général Aladeen règne en maître incontesté sur la République du Wadiya, une petite dictature d’Afrique du Nord, depuis l’âge de six ans. Son pays n’est pas très grand, il n’est pas non plus très puissant, mais il possède des ressources importantes et notamment du pétrole si convoité par les grandes puissances occidentales. Ces dernières commencent justement à s’intéresser à ce petit État, mais la dictature mise en place par Aladeen les gêne. Le problème n’est pas vraiment moral, non, mais ce régime bloque tous les exports du pays et leur empêche ainsi d’accéder au précieux pétrole. Dans le même temps, l’Amiral Général explique publiquement qu’il est sur le point d’obtenir l’arme nucléaire : l’ONU veut faire une inspection, Aladeen refuse, mais les États-Unis envoient des navires au large. Pour éviter la destruction de la République du Wadiya, le dictateur accepte de se rendre à l’ONU pour discuter. Le voilà à New York, sans se douter que Tamir, son oncle et son conseiller politique, entend le tuer et le remplacer par un clone…
Il faut reconnaître que l’idée était gonflée et bien trouvée. Sacha Baron Cohen semble avoir un radar pour sentir les sujets porteurs et taper là où cela fait mal, et The Dictator ne fait pas exception. L’histoire de cette dictature à l’ancienne qui n’intéresse personne jusqu’au jour où l’on s’aperçoit qu’elle renferme des réserves pétrolières immenses était une très bonne idée pour dénoncer la politique internationale hypocrite de l’occident. L’arrivée d’Aladin aux États-Unis et sa confrontation à un univers qu’il ne connaissait jusque-là que par le cinéma était aussi prometteuse, même si classique ; Borat l’avait déjà exploitée avec talent et elle fait ici encore quelques étincelles. Autant le dire, tous ceux qui détestent l’acteur trouveront dans The Dictator de meilleures raisons encore de le détester, mais son humour si grossier est au rendez-vous et fait parfois mouche. Toutes saillies humoristiques ne se valent pas, le film de Larry Charles tombe parfois à plat, mais on rigole aussi assez souvent. Les caprices de l’Amiral Général Aladeen sont souvent réussis, surtout quand il est encore dans son pays et qu’il ordonne d’exécuter des dizaines de personnes par jour, pour n’importe quel prétexte. La séquence dans l’hélicoptère est aussi très drôle, tandis que l’invention des noms dans le restaurant amuse bien. Même si l’acteur se renouvelle peu, The Dictator prouve à nouveau l’étendue de son talent et parvient à faire rire, ce qui est bien le minimum pour une comédie.
L’idée était bonne, mais Sacha Baron Cohen semblait n’avoir que cette idée. The Dictator a du mal à tenir la distance, alors même qu’il n’atteint pas les 1h30, la faute à un scénario beaucoup trop faible. L’idée d’envoyer le dictateur à New York n’était pas mauvaise, pas plus que celle de l’éjecter du pouvoir pour forcer Aladeen à se fondre dans la masse. On l’a déjà dit, la confrontation de cultures est un thème toujours efficace, à défaut d’être original, mais Larry Charles n’en fait rien de particulier. Le personnage principal rencontre une jeune féministe engagée et patronne d’une boutique bio et équitable. Cette jeune femme incarne tout ce qu’Aladeen déteste et réciproquement, mais les deux tombent sans surprise amoureuse. La comédie mordante espérée se transforme vite en comédie romantique ultra-classique et déjà vue et revue. Le dictateur sanguinaire et raciste change grâce à cet amour et il finit par devenir plus gentil, comme dans n’importe quel film du genre. The Dictator n’est vraiment drôle et intéressant qu’en République du Wadiya et il l’abandonne très vite pour aller aux États-Unis. Au total, le film a beau faire rire ici ou là, on n’en garde pas le souvenir d’une comédie vraiment drôle, ni d’une satire vraiment efficace, la faute à un manque de subtilité dans ses critiques. Le dernier long-métrage de Larry Charles ne laisse pour ainsi dire pas vraiment de souvenirs du tout, et c’est bien dommage.
Sacha Baron Cohen a bien essayé de se faire un nom au cinéma — on l’a vu récemment dans Hugo Cabret, notamment —, mais on retient surtout son nom pour « ses » films et ses personnages. L’acteur anglais est incontestablement le meilleur pour créer un personnage et s’identifier à lui au point de ne jamais sortir en public ou donner d’interviews sans être ce personnage. D’aucuns ont été pris à son jeu par le passé, quand il était Borat en permanence et la campagne de promotion de The Dictator fut, à cet égard, une réussite. Difficile malheureusement d’en dire autant du long-métrage de Larry Charles : le film souffre de son scénario faiblard et il patine dès que son personnage principal pose les pieds aux États-Unis. On ne croit jamais à l’histoire d’amour et c’est pourtant elle qui est censée faire avancer le film. Larry Charles n’est pas un mauvais réalisateur, mais il ne parvient pas à offrir à l’acteur et à son personnage l’intérêt nécessaire. The Dictator aurait fait un excellent court-métrage, mais il ne tient pas la longueur…
Le personnage du dictateur est excellent, mais un personnage ne suffit pas à faire un film : telle est la leçon de The Dictator. Larry Charles fait ce qu’il peut, le personnage imaginé par Sacha Baron Cohen ne suffit pas pour tenir un film entier et l’ensemble est assez décevant. Les amateurs apprécieront le jeu outrancier de l’acteur, mais c’est bien le seul argument que l’on peut en trouver en faveur de The Dictator. C’est bien peu, trop peu…