Eddy de Pretto à La Carène (1 décembre 2018)

Son album n’est pas sorti depuis un an, Eddy de Pretto est déjà en tournée dans toute la France. Le succès de Cure a été tel que c’était la suite logique et l’artiste ne se contente pas de premières-parties ou de salles minuscules non plus. À Brest, c’est à La Carène qu’il a joué ce samedi 1er décembre, une salle de 1 300 places pour un concert qui affichait complet bien avant la date. En studio, le jeune chanteur a parfaitement réussi à transmettre ses émotions et à parler de son homosexualité avec une franchise rafraichissante. Comment cet univers se déploie sur scène ? Avec une mise en scène sobre, mais sophistiquée, au service de la star du spectacle et de ses mots. Énergique et généreux.

On découvre une scène avec une batterie, un clavier et divers accessoires encore. Tout cet équipement est dévoué à la première partie, Shelmi, un très jeune groupe parisien qui vient de sortir un album et qui mélange les genres comme Eddy de Pretto, entre chanson française, rap ou parfois de la pop. C’est bien le seul point commun entre les deux performances du soir toutefois, en particulier parce que les paroles de cette première partie sont loin de la finesse et de la beauté de celles de la seconde. Et puis cela se voit aussi : quand le groupe termine, les techniciens montent sur scène pour tout enlever… et ne rien remettre. Quand la star du soir arrive enfin, il ne reste qu’une batterie en hauteur, sous quelques bandes de néons qui pendent, et c’est à peu près tout. De fait, Eddy de Pretto est accompagné d’un batteur et c’est tout. Tout le spectacle sera mené à deux, mais en vérité, surtout à un, puisque la batterie n’a quasiment jamais le premier rôle pendant la petite heure et demie que dure le concert. L’auteur de Cure a choisi une approche radicale assez courageuse, celle du dépouillement. Il ne se cache pas derrière une mise en scène sophistiquée ou un groupe au complet qui pourrait reproduire la musique de l’album. Cette dernière était de toute façon minimale, mais c’est encore plus sensible en live, où il ne reste essentiellement que le rythme imposé par la batterie et la voix si particulière du chanteur. Les samples utilisés sur l’album restent malgré tout présents, ce qui n’est d’ailleurs pas forcément une bonne idée. Sur certains titres, ils sont sans doute essentiels, mais sur d’autres, ils paraissent superflus dans cette version en live. Eddy de Pretto, c’est avant tout un univers et une voix, et l’artiste seul pouvait suffire à les transmettre. Je pense qu’un concert presque acoustique, avec vraiment une batterie et la voix, aurait pu donner quelque chose d’encore plus impressionnant.

Cela étant, les ingénieurs du son ont calé chaque élément à sa juste place, avec la batterie et surtout la voix en avant par rapport aux enregistrements. Résultat, on entend surtout le chanteur et sa sincérité transparaît à nouveau complètement. Il est aussi très professionnel, on sent que ce n’est pas son premier concert et il sait chauffer la salle comme il se doit. Le public brestois était d’ailleurs au rendez-vous, avec une fosse chauffée à bloc et qui répondait présente. Mais on retrouve la fragilité de Cure et la sensibilité complexe de l’artiste. Il manie les mots avec beaucoup d’audace, ose plus sur les titres inédits parus récemment — mention spéciale à « Grave » qui n’hésite pas à appeler un chat, un chat — et cet univers s’adapte très bien à la scène. Sans compter que la mise en scène, minimale elle aussi, est souvent brillante. L’éclairage ne va quasiment jamais dans les couleurs, ou alors uniquement du rouge et du vert et rien d’autre. En majorité, les lumières ne s’allument qu’en blanc, ce qui donne un jeu de noir et blanc assez classe, mais qui est surtout extrêmement sobre. Cet éclairage participe en fait du dépouillement général choisi par l’artiste, il se fait oublier petit à petit, tout en restant un composant essentiel de la mise en scène. Eddy de Pretto ne veut pas de la lumière sur lui, la majeure partie du temps, le chanteur est à contrejour ou dans un coin mal éclairé. Et le choix du noir et blanc, souvent très franc avec des traits qui traversent la scène ou un éclairage violent du fond pour créer des ombres, permet encore une fois de mieux se concentrer sur la voix et le texte.

Le passage de l’album au live n’est pas facile pour un jeune artiste, surtout quand il n’a qu’une grosse dizaine de titres à défendre. Pas de quoi effrayer Eddy de Pretto manifestement, le jeune chanteur prouve avec ce concert qu’il a de quoi offrir quand le confort du studio n’est plus là. Cure est un excellent album qui tient très bien la distance, et qui mérite bien cette tournée qui va continuer jusqu’à l’été prochain. S’il passe près de chez vous et que vous en avez l’occasion, n’hésitez pas, vous passerez une très bonne soirée.