Falcon et le Soldat de l’Hiver, Malcolm Spellman (Disney+)

Changement de ton pour les séries Marvel de Disney+. Alors que WandaVision avait ouvert le bal avec une série très originale qui osait un format radicalement différent de celui des blockbusters, Falcon et le Soldat de l’Hiver revient aux bases. Dotée du budget digne de n’importe quel long-métrage de l’Univers cinématographique Marvel, la mini-série créée par Malcolm Spellman ressemble plus au fond à un film de près de six heures. Ce choix moins original pourrait décevoir, mais la création de Disney+ bénéficie d’un autre côté de tout le savoir faire de Marvel et cela paye. Malgré quelques défauts, l’ensemble est équilibré entre action, humour et un traitement plus approfondi qu’on l’aurait imaginé de la question raciale. Un bon divertissement.

Falcon et le Soldat de l’Hiver reprend assez directement dans la foulée de Avengers: Endgame, six mois après la fin de l’Eclipse, cette période de cinq ans pendant laquelle la moitié de l’humanité a disparu à cause de Thanos. Et surtout, six mois après le départ de Captain America, qui a décidé de laisser son bouclier à Sam Wilson, alias Falcon. C’est ce geste symbolique fort qui sert de base à la mini-série, qui se concentre sur ce super-héros ainsi que sur Bucky, le Soldat de l’Hiver qui était aussi le meilleur ami de Steve Rogers. Sam a hérité du bouclier et il pourrait être le nouveau Captain America, mais c’est une lourde tâche qu’il commence par refuser. Les médias américains ayant encore plus horreur du vide que la nature, ce bouclier ne reste pas longtemps inutilisé et le gouvernement décide de choisir un autre capitaine pour les États-Unis, un clone de l’historique, un autre soldat bien blanc. Très vite, Malcolm Spellman introduit le thème du racisme dans son histoire et on pourrait être surpris par la place qu’elle prend. Moins consensuelle que les films, cette mini-série n’hésite pas à aborder le sujet frontalement et il ne s’agit pas que d’une excuse de scénario pour lancer une histoire ou créer un raccord entre deux séquences. Le racisme est constamment au cœur des enjeux et la série, malgré sa courte durée, prend le temps d’explorer de multiples facettes. Il y a cette histoire d’un super-héros noir qui a été emprisonné et soumis à de terribles expériences pendant toute sa vie. Il y a aussi la question financière, avec une partie de l’intrigue qui se déroule en Louisiane, dans la famille de Sam où l’argent se fait rare et où personne ne vient en aide aux familles noires qui y habitent. Et puis il y a le gros morceau, l’identité de Captain America : l’image du pays peut-elle être incarnée par un Afro-américain ? Falcon osera-t-il endosser ce rôle difficile ? Est-ce qu’on le laissera seulement faire ?

Sans aller jusqu’à parler de série politique, n’exagérons rien, il faut saluer le travail réalisé par Malcolm Spellman et aussi la souplesse accordée par Disney pour traiter de ces sujets difficiles, surtout à une époque où le pays est divisé comme jamais. On aurait apprécié que cette ouverture s’étende à la question de la sexualité, traitée ici avec une vision rétrograde bien décevante, d’autant qu’il y avait de multiples opportunités de le faire. On se contentera d’innocentes amitiés entre hommes, probablement parce que Falcon et le Soldat de l’Hiver ne pouvait pas non plus aborder trop de sujets de société. Il fallait bien laisser de la place à tout le reste, l’histoire étant aussi celle bien classique d’un grand méchant à abattre. En l’occurrence, une méchante pas bien grande, puisque l’antagoniste est une jeune femme idéaliste qui rêve de détruire les frontières et unir les peuples, avec des méthodes un petit peu trop violentes pour cet objectif noble. À dire vrai, on ne s’intéresse que moyennement à cette cause, la série tombe vite dans les schémas typiques et un peu caricaturaux du genre. Ce n’est pas le point fort de cette nouvelle création Disney+ et on a presque l’impression de voir un cahier des charges rempli mécaniquement. Il y a de l’action, avec le même niveau technique qu’au cinéma, il faut le saluer. Il y a un méchant à abattre et de multiples confrontations. Et il y a un petit peu d’humour saupoudré ça et là : la recette qui a fait le succès de Marvel depuis plus de dix ans a été reprise à l’identique et même si elle n’a rien d’original, il faut reconnaître qu’elle fonctionne bien. Falcon et le Soldat de l’Hiver est un bon divertissement, on n’a jamais le temps de s’ennuyer et l’ensemble est impeccablement mené. Et même si l’on n’évite pas entièrement la glorification américaine et les nappes de violon, il faut saluer l’effort de complexification sur le traitement des super-héros.

Est-ce le format de la série qui a incité Marvel à dépoussiérer le mythe ou l’influence d’une série comme The Boys ? On voit en tout cas que Falcon et le Soldat de l’Hiver ose, timidement certes, sortir des sentiers battus et proposer des super-héros qui peuvent tuer un homme avec violence et sans bonne raison. On voit aussi des héros qui ont du mal à s’en sortir dans leur quotidien et que personne ne vient en aide, voire malmenés par leur propre gouvernement. Ce n’est pas révolutionnaire et d’autres avant avaient déjà traité ces sujets, mais la mini-série créée par Malcolm Spellman va plus loin dans cet univers cinématographique. Espérons que ce n’était pas qu’un accident de parcours.