Genera+ion, Zelda Barnz et Daniel Barnz (HBO)

Le quotidien d’une bande de lycéens, voilà qui ressemble fort à un sujet vu et revu trop souvent, mais Genera+ion intrigue par de multiples aspects. Dans le même esprit que l’excellente Euphoria également portée par HBO, cette nouvelle série évite les clichés faciles pour dresser un portrait réaliste de cette génération « Z ». Ajoutez à cela la présence de Lena Dunham, la célèbre créatrice de Girls, ainsi qu’un ensemble de personnages LGBTQ et vous obtenez la promesse d’une création plus originale qu’il n’y paraissait. Les huit épisodes qui composent sa première partie confirment cette bonne impression : Genera+ion est une série qui mérite le détour.

Tel un thriller, les premiers épisodes de la série ouvrent avec la fin, avant de reprendre en flashback. Une astuce de scénario qui permet surtout de plonger le spectateur dès le départ dans l’ambiance : on a beau être au lycée, avec des jeunes de 16 à 18 ans, on n’en est pas moins dans la vraie vie. Celle d’une jeune de 17 ans en déni de grossesse qui accouche dans les toilettes d’un centre commercial pour ne pas avoir à confronter ses parents. Ou bien d’un jeune gay extraverti à qui on interdit de se comporter comme il le souhaiterait à coup de punitions scolaires et de suspensions. Ou d’une jeune lesbienne qui craint plus que tout le retour de sa mère et la perspective d’avoir à retourner dans son placard. Genera+ion se déroule dans un lycée californien, au sein d’une communauté assez stricte, mais avec des lycéens LGBTQ en guise de personnages principaux. Leur quotidien occupe chaque épisode, marqué de bons moments et de périodes difficiles. Zelda Barnz et Daniel Barnz évitent les clichés faciles sur cette génération et le fait que Zelda, fille de Daniel et Ben Barnz, soit associée au projet en tant que co-créatrice n’y est sans doute pas étranger. Le réalisme de la représentation de ces jeunes est la première chose qui frappe quand on découvre la série. Tout sonne juste et les acteurs ont tous un âge correct pour interpréter leurs personnages, à l’exception notable de Justice Smith, bien trop vieux pour incarner Chester. Néanmoins, même si l’acteur a dix ans de plus que son personnage et même si cela se voit, il faut reconnaître que ce choix de casting tombe sous le sens. Il est parfait dans son rôle qui pourrait vite tomber dans une caricature, mais il se maintient jusqu’au bout sur la ligne et il est drôle, touchant et même poignant en fonction des circonstances. L’une des scènes les plus fortes dans les huit premiers épisodes se déroule entre lui et Sam, son conseiller scolaire, et si ce dernier est fort bien incarné par un Nathan Stewart-Jarrett que l’on a déjà croisé comme lycéen un peu fou par le passé, le succès de la scène est indéniablement lié au charisme de Justice Smith. Mais il faut relever que tout le casting est à la hauteur, tout comme la réalisation soignée et la bande-originale moderne et sans défaut.

C’est une réussite à tous les niveaux et la première partie se termine avec un huitième épisode plus sérieux et peut-être le plus réussi de tous, ce qui en dit long sur la cohésion naturelle du groupe d’adolescents constitués par Genera+ion. HBO a malheureusement annulé la série après cette unique saison, mais sa première partie est indéniablement un succès et on a hâte de découvrir les huit épisodes suivants !

Genera+ion, partie 2

(23 décembre 2021)

Huit épisodes composent la deuxième partie de la première et malheureusement unique saison de Genera+ion. Même si HBO a décidé de diffuser l’ensemble en une fois, il y a deux sections assez nettes et bien séparées par l’accouchement qui occupait tous les esprits au départ. Dans le huitième épisode, les deux chronologies se rejoignaient enfin et on assistait à cet événement au présent, puis à ses conséquences, l’abandon du bébé avec tout le collectif de personnages autour des parents. Un épisode triste et sublime qui ouvrait la création de Zelda et Daniel Barnz sur de nouveaux horizons. Dans cette suite, plusieurs ruptures nettes s’opèrent et les personnages continuent d’évoluer au sein d’une histoire d’une justesse et d’une précision toujours aussi remarquables. Quel gâchis de ne pas avoir donné à Genera+ion une meilleure chance, mais cela reste un grand moment, à découvrir sans hésiter.

Après avoir avoué son amour à Sam, le conseiller d’éducation, et après avoir essuyé un refus net, Chester tente sa chance avec Bo. Même si Genera+ion est une œuvre chorale qui laisse de la place à tous les personnages, son arc narratif reste le plus important par bien des aspects et son parcours occupe quasiment tous les épisodes. Il faut dire qu’il est remarquablement écrit et passionnant, avec cette histoire d’amour contrariée et tout l’arc lié à Nathan et sa mère homophobe. Chester est un personnage psychologiquement complexe et parfaitement résumé, si bien que l’on oublie la différence d’âge de son acteur pour profiter de son histoire seule. Autour de lui, Nathan justement a également un parcours digne d’intérêt, entre bravade face à ses parents et cœur réellement brisé avec Chester. Autres cœurs brisés, ceux de Riley et Greta dont l’histoire trop compliquée ne fonctionne jamais comme il faudrait. La saison a été trop courte pour leur accorder toute l’attention nécessaire, mais on sent poindre la question de l’asexualité, qui vient s’ajouter à toutes les autres brassées par Genera+ion. D’ailleurs, un trouple se forme brièvement dans cette deuxième partie, avec là aussi des enjeux qui ne sont qu’effleurés faute de temps, sur la difficile réciprocité de l’amour à trois. Et n’oublions pas le traitement tout simplement parfait de la transexualité, qui n’est au fond pas traitée du tout, puisque ce n’est jamais présenté comme un problème potentiel. Chaque épisode est l’occasion d’avancer un petit peu plus sur une vaste collection de sujets et les scénaristes impressionnent jusqu’au bout par leur aptitude à en dire beaucoup sans remettre en cause le réalisme de l’ensemble. Une belle réussite, hélas gâchée sur la fin.

Comme pour la première partie, le final de cette moitié est à nouveau de haute voltige, avec une fête qui tourne mal et qui se termine avec Chester au bord du gouffre, sans métaphore. Le cliff-hanger est alors cruel : on sent que les créateurs avaient une idée derrière la tête et qu’ils n’ont jamais su que leur série allait s’arrête prématurément. C’est triste de devoir abandonner Genera+ion si vite, mais on peut aussi saluer la bonne tenue de ces 16 épisodes et se dire que la création de HBO n’aurait peut-être pas tenu la distance. Quoi qu’il en soit et même si elle est condamnée à n’être qu’une mini-série sans suite, elle mérite bien toute votre attention.