The Good Place, Michael Schur (NBC)

Le meilleur moyen de découvrir The Good Place est de lancer le pilote sur Netflix en ne sachant absolument rien à son sujet, pas même son pitch de départ et évidemment sans lire la suite de cet article. Vous saurez très vite si le concept vous déplait au point de vouloir vous arrêter dès les premiers épisodes, mais si ce n’est pas le cas, laissez-vous porter par cette étonnante sitcom qui a plus d’un tour dans son sac. NBC a lancé la première saison uniquement sur la base de l’idée présentée par Michael Schur et on comprend pourquoi : c’est une excellente idée, mais qui aurait pu avoir du mal à tenir la distance. Bonne nouvelle, il n’en est rien et les deux premières saisons sont très plaisantes à suivre. C’est original, drôle et très bien interprété : une réussite !

Le premier épisode plante le décor et surtout ce fameux concept qui a enchanté NBC : on découvre Eleanor Shellstrop alors qu’elle arrive dans un lieu bizarre où elle apprend qu’elle est morte et que ses bonnes actions sur Terre lui permettent d’entrer au « Good Place », le paradis pour le dire autrement. Elle est accueillie par Michael, l’architecte du quartier où elle pourra désormais rester pour l’éternité avec son âme-sœur et une vie modelée d’après tous ses désirs, une maison décorée comme elle l’aime, des ressources disponibles à l’infini et une joyeuse communauté constituée exclusivement de la crème de la crème. D’entrée de jeu, Michael Schur laisse pressentir que les choses ne se passeront pas exactement comme prévu. L’actrice principale, Kristen Bell, est excellente pour transmettre des émotions plus complexes qu’elle ne devrait et elle ne semble pas vraiment heureuse, mais plutôt très concentrée pour paraître heureuse. De fait, on apprend dans la suite de l’épisode qu’une erreur a été faite et qu’elle n’est pas la femme généreuse et philanthrope qu’elle est censée avoir été dans sa vie. À partir de là, le paradis se transforme en enfer pour elle, puisqu’elle essaie de cacher la vérité en apprenant à être une meilleure personne grâce à sa fausse âme-sœur, Chidi, un professeur de morale philosophique. The Good Place construit sa première saison autour de cette idée qu’elle pourrait être démasquée à tout moment et la série double même l’idée en introduisant un autre personnage dans le même cas : Jason, supposé moine bouddhiste, et en fait DJ raté un peu simplet. Les treize épisodes qui constituent cette saison passent très vite, mais on se demande aussi assez rapidement comment la série peut tenir la distance avec aussi peu de matériel. L’idée de base est géniale, mais comment éviter les redites quand on a fait le tour du concept général ?

Le créateur de la série y avait naturellement pensé et la première saison de The Good Place termine sur un twist spectaculaire. Eleanor, Chidi, Jason et Tahani, les quatre personnages principaux, ne sont pas au paradis, mais en enfer. Michael n’est pas un architecte bienveillant, il a imaginé une expérience, une nouvelle forme de torture où les sujets se torturent eux-mêmes tout en pensant être au bon endroit. Ces quatre personnes n’ont pas été choisies au hasard, elles sont si opposées qu’elles doivent se détester naturellement. Le souci dans ce plan machiavélique, c’est que les victimes ne sont pas censées avoir conscience de leur sort pour que ce soit efficace. La saison s’achève ainsi sur un échec de l’expérimentation et une réinitialisation, ce qui offre une chance à la suite d’être beaucoup plus variée. L’idée de Michael échoue à chaque fois et les expériences ratées défilent dans ces épisodes, avec parfois un essai entier dans un épisode, parfois une dizaine. Michael Schur expérimente plusieurs combinaisons, mais à chaque fois le résultat est le même et juste quand on commence à avoir fait le tour de cette idée, il change à nouveau au fil de la saison. La fin de The Good Place, du moins en attendant la suite, consiste en une association entre l’architecte et ses victimes, d’abord pour que Michael puisse sauver sa tête, mais ensuite parce qu’il se prend d’amitié avec les humains qu’il devait torturer. La transition se fait assez naturellement et la série peut compter sur le talent des acteurs, et en particulier celui de Ted Danson, dans le rôle de l’architecte diabolique qui devient en fait gentil. La fin de la deuxième saison repose à nouveau sur une surprise et on a hâte de voir ce que la suite nous réserve, mais en attendant, les vingt-six premiers épisodes sont tous très bons.

The Good Place est une bonne surprise. On aurait pu s’attendre à une série moralisante et très vite lassante, mais Michael Schur avait une bonne idée dès le départ et il la tient au moins pendant les deux premières saisons. Il dit s’être inspiré de Lost pour imaginer les surprises qui émaillent les différentes saisons et il faut reconnaître que c’est bien mené. Est-ce qu’il a encore de quoi tenir plusieurs saisons ? Peut-être pas, mais les enjeux sont encore différents pour la suivante et on est plutôt confiant : elle devrait encore être réussie. Dans tous les cas, les deux premières saisons de The Good Place méritent d’être vues.


The Good Place, saison 3

(9 février 2019)

Après deux premières saisons pleines d’idées, on pouvait faire confiance à Michael Schur pour éviter de tomber dans la répétition. De fait, The Good Place embraye à nouveau sur tout autre chose pour ces douze nouveaux épisodes, qui se passent en majorité sur Terre. Loin de l’enfer et du paradis, dans le quotidien terrestre où les personnages bénéficient d’une seconde chance et doivent à nouveau prouver qu’ils peuvent changer et devenir bons. Michael et Janet supervisent leurs mouvements depuis l’au-delà et tout va bien au départ… mais finit par déraper. Un an après leur retour, tout le monde revient à ses problèmes originaux : Eleanor abandonne l’écologie et retombe dans son égoïsme absolu, Chidi ne parvient plus à se décider et il est bloqué par ses doutes, Jason n’évolue pas plus et Tahani se rend dans un monastère éloigné de tout… pour finir par écrire un livre sur son expérience et se retrouver à nouveau sous les feux des projecteurs. Bref, rien ne va et l’architecte démoniaque devenu gentil décide de les aider. Un petit coup de pouce ici, un autre là… il passe bientôt tout son temps sur Terre avec son assistante, à tel point qu’il finit par se faire griller par les humains.

En changeant à nouveau complètement de décor, cette troisième saison offre l’opportunité à la série de sortir des thématiques déjà bien explorées par les deux premières. The Good Place continue de se construire autour des mêmes questions sur la vertu, le bien et le mal, et plus largement le sens donné à une vie. Elle le fait toujours avec humour toutefois et Michael Schur évite ici encore le piège de la morale facile. Il introduit aussi quelques nouveaux personnages secondaires, la mère d’Eleanor, le père de Jason, une petite-amie pour Chidi ou encore la sœur de Tahani qui a un rôle dans un épisode cette fois. Plus encore que dans les épisodes précédents, on se concentre ici sur la définition d’une vie positive, avec cet exemple absurde et hilarant de Doug, un homme qui vit uniquement pour plaire aux autres. Comment finir au paradis et non en enfer ? Est-ce seulement possible dans notre monde ? The Good Place n’hésite jamais à poser ces questions philosophiques, tout en conservant un humour permanent, souvent teinté d’absurde. À cet égard, la troisième saison va encore plus loin dans certains délires et elle laisse aux acteurs toute latitude pour s’exprimer. Mention spéciale à Kristen Bell, décidément parfaite dans le rôle d’Eleanor, mais c’est peut-être surtout la prestation de D’Arcy Carmen dans celui de Janet que l’on retiendra. L’un des épisodes offre à l’actrice l’opportunité de mettre en avant ses talents, et c’est indéniablement l’un des meilleurs de la série.

Comme on s’y attendait, la troisième saison de The Good Place se termine encore sur un cliff-hanger qui devrait lancer la suite sur une nouvelle base. Cela pourrait sembler un petit peu facile et lassant, mais Michael Schur a maintes fois prouvé qu’il était capable de gérer ces retournements avec adresse et on lui fait entièrement confiance pour la suite. Vivement la saison 4 !


The Good Place, saison 4

(28 février 2020)

Coup de théâtre : à la fin de la saison 3, on apprenait que personne, absolument personne n’arrivait au vrai « Good Place ». Tous les humains sont envoyés depuis des siècles en enfer, ce qui est bien la preuve que le système de tri effectué par l’au-delà ne fonctionne pas. Fort de ce constat, les quatre humains que l’on suit depuis le début et Michael confrontent la juge de l’univers qui leur accorde une expérimentation. S’ils parviennent à prouver que les humains peuvent devenir meilleurs avec un petit peu d’aide, ils auront le droit de proposer un système alternatif avec un paradis qui ne resterait pas constamment vide. Michael Schur construit la quatrième et dernière saison de The Good Place à partir de cette idée de trouver une meilleure solution et éviter l’enfer pour l’humanité. C’est encore une bonne excuse pour multiplier les sujets moraux et philosophiques, toujours avec humour et sans tomber dans la leçon de morale facile. Une très belle fin, pour une excellente série.

L’expérience occupe la première partie de cette quatrième saison. L’idée est de prouver que quatre humains mauvais sur Terre peuvent devenir meilleurs après un an passé dans l’au-delà, une reproduction de ce qui s’était passé dans les deux premières saisons de The Good Place. Rebooté pour éviter son implication avec l’une des candidates, sa copine de la saison 3, Chidi fait partie des sujets de l’expérience avec trois êtres détestables, choisis par l’enfer pour énerver Eleanor et Tahani. Michael Schur retrouve vite son rythme et l’humour si particulier de la série se remet bien en place, alors que l’expérience vise à la catastrophe. La saison bascule ensuite sur un autre enjeu, il faut imaginer un nouveau modèle et convaincre la juge à temps. On n’en dira pas trop sur la fin elle-même, si ce n’est qu’elle est logique et assez belle à la fois, avec un traitement impeccable des quatre humains du début. L’émotion prend souvent le dessus dans cette ultime saison, sans oublier pour autant l’humour évidemment. C’est un bel équilibre qui caractérisait déjà les saisons précédentes, mais qui se confirme alors que l’on doit abandonner ces personnages que l’on a appris à aimer au fil des années.

L’air de rien, ce concept très original des débuts a tenu la distance et The Good Place n’a jamais cédé à la facilité en répétant un schéma déjà vu. C’est assez fort quand on y pense d’avoir imaginé 52 épisodes sur cette idée de la vie après la mort, sans jamais être tombé dans une vision religieuse ou moralisante. Michael Schur a bien réussi son coup et sa manière d’offrir une belle fin à des personnages à la vie immortelle est touchante. NBC aurait probablement pu poursuivre un petit peu artificiellement sa série, mais l’arrêter à ce moment était certainement une meilleure idée.