Un homme d’exception, Ron Howard

Si vous ne connaissez pas la vie du mathématicien et économiste John Forbes Nash, Un homme d’exception en propose une présentation passionnante, quoique largement romancée. Ron Howard signe un biopic extrêmement classique sur la forme et sur le fond et Russel Crowe est excellent dans le mimétisme, mais il est vrai que le long-métrage est avant tout intéressant pour ce qu’il raconte1. Il faut dire que la vie de cet homme qui a souffert de schizophrénie sévère toute sa vie est effectivement exceptionnelle. C’est un combat de tous les instants et en même temps un cerveau brillant, qui a travaillé sur des sujets très variés et aidé l’économie presque par hasard. Même si Un homme d’exception exagère largement les effets de sa maladie, cela reste un biopic solide et divertissant.

La maladie de John Nash s’est déclarée ouvertement après ses études et Ron Howard a la bonne idée de reproduire le même schéma et la même progression dans son film. Ainsi, son personnage est présenté comme extrêmement timide et mal à l’aise sur le plan social, mais totalement sain d’esprit par ailleurs. Pendant toute sa première partie, Un homme d’exception ne laisse jamais voir que son personnage principal souffre de schizophrénie, on ne le comprendra que plus tard. En particulier, on ne sait pas que son colocataire qui partage sa chambre de Princeton n’existe que dans sa tête et pour le spectateur, c’est un duo réel qui est présenté à l’écran. Cette idée n’est pas originale, mais force est de constater que le cinéaste la présente bien, en glissant des indices ici où là, d’abord par petites touches très discrètes, puis de manière plus nette. Quand la révélation est enfin exposée, on reste interdit pendant quelques minutes, avant de réaliser que c’est l’évidence. Certains personnages n’apparaissent qu’en la présence de l’étudiant et jeune scientifique, ce qui est un indice fort. La suite est plus classique, Un homme d’exception montrant son personnage principal en lutte contre la maladie, puis en phase de récupération bien des années après. Ron Howard ne s’intéresse pas vraiment aux périodes de rémission où le mathématicien récupère sans vraiment pouvoir travailler et cette partie est traitée plus rapidement, même si le cinéaste présente son retour sur le devant de la scène dans les années 1990, quand il reçoit un prix Nobel pour sa thèse d’étudiants.

Comme tous les biopics, Un homme d’exception repose avant tout sur son interprète principal, celui qui doit incarner l’homme qui est raconté dans le film. Russel Crowe était devenue une star internationale avec Gladiator sorti l’année d’avant, il obtient ici son premier rôle véritablement « actor’s studio ». Son interprétation est visiblement inspirée par des vidéos du véritable John Nash et on sent que l’acteur prend grand soin de reproduire les démarches et petits tics de son personnage. Le résultat est plus ou moins réussi, ne serait-ce qu’en raison de la grande amplitude du scénario. Le récit de Ron Howard commence avec un étudiant d’une vingtaine d’années et se termine avec un septuagénaire et Russel Crowe est le seul acteur présent pour incarner toutes ces facettes du personnage. Autant dire que l’acteur, qui allait sur ses quarante ans lors du tournage, n’est pas très crédible aux deux extrémités. Le plus raté est sans doute le vieil homme, pas très crédible sous la perruque grise et le masque, mais l’acteur se débrouille plutôt bien par ailleurs et même s’il n’est pas toujours convaincant, c’est davantage faute de bons moyens techniques qu’à cause de son interprétation.

Extrêmement classique et de bonne facture, Un homme d’exception se regarde facilement et le biopic de Ron Howard est un bon moyen d’en apprendre plus sur la vie d’un homme vraiment étonnant, mais c’est aussi une bonne sensibilisation à la schizophrénie. À cet égard, c’est une réussite et le film mérite le détour, même si sur le plan cinématographique, on sent le projet calibré pour les Oscars (ce qui a marché, il en a obtenu quatre, dont celui du meilleur film) et guère plus. Dommage que le projet n’essaie pas du tout d’expliquer ce qu’a découvert le scientifique d’ailleurs. Il faut dire que les théories deviennent très vite très complexes, mais Ron Howard n’essaie même pas et Un homme d’exception est parfois un peu nébuleux.


  1. Et si vous ne savez rien de John Nash, arrêtez immédiatement votre lecture, regardez le film et revenez ensuite lire la fin.