Les américains ont tellement repris de séries britanniques que l’ouverture d’I Am Not Okay with This fait craindre à un remake de The End of the F***inck World. Cette jeune adolescente couverte de sang et paumée qui avance dans les rues vides rappelle le mélange entre histoire d’adolescents, humour noir et une bonne dose de gore qui avait fait toute la réputation de la série de Channel 4. Pour autant, cette adaptation d’un roman graphique de Charles Forsman n’est absolument pas une redite et elle est bien plus intéressante que cela. La première saison très courte, sept épisodes de moins de trente minutes au compteur, révèle le quotidien a priori banal d’une lycéenne dans une petite ville paumée des États-Unis qui est dynamité par l’apparition de super-pouvoirs. I Am Not Okay with This pourrait être d’une banalité affligeante, mais c’est tout le contraire et la série créée par Jonathan Entwistle et Christy Hall mérite carrément le détour.
L’histoire se déroule quelque part aux États-Unis, à une époque qui reste assez vague. Les téléphones portables suggèrent que l’on est à notre époque, mais tout est fait pour brouiller cette piste, de la musique tirée des années 1980 aux costumes qui sont résolument rétro, en passant par une photographie souvent jaune et quasiment sépia par moments. I Am Not Okay with This est volontairement trouble sur ce point, comme sur tant d’autres et notamment son genre. C’est une histoire de lycéens, avec le bal en vue, les premières histoires d’amour et les fêtes un peu trop alcoolisées. Mais c’est aussi une histoire fantastique, puisque Sidney, le personnage principal, découvre qu’elle a des super-pouvoirs. Quand elle s’énerve un petit peu trop, elle peut faire saigner un nez, casser un cadenas ou même détruire une bonne partie d’une forêt ou d’une bibliothèque. Mais n’allez pas croire que c’est une énième histoire de super-héros, la réalité pourrait difficilement être plus différente. Ces pouvoirs sont vécus par une malédiction par cette adolescente qui a déjà du mal à se faire une place dans la société, que ce soit dans sa famille ou au lycée. L’intrigue se déroule un an après le suicide de son père avec qui elle était très proche et Sydney a bien du mal à faire son deuil. Elle n’est pas forcément très à l’aise socialement et à part sa meilleure amie Dina, elle n’a pas vraiment de relations sociales. Jonathan Entwistle et Christy Hall reprennent tous les passages obligés des récits d’adolescence pour mieux les détourner. Sydney couche pour la première fois avec Stanley, un camarade de classe qui est aussi un petit peu excentrique et à part, mais ce n’est pas une histoire d’amour pour autant. Quand Dina sort avec Bradley, la star du lycée, ses relations avec Sydney se compliquent et c’est une part importante de l’intrigue, mais pas comme on pouvait l’attendre. L’ouverture ensanglantée laisse de toute manière planer un doute sur tout le reste et on imaginer bien que les choses ne vont pas se dérouler tranquillement jusqu’au bout. L’effet de surprise est d’ailleurs déterminant, avec un septième épisode explosif et vraiment jouissif. I Am Not Okay with This n’est clairement pas une série familiale et elle assume jusqu’au bout un mélange des genres assez délicieux.
Cette série de Netflix semblait partir sur une base déjà-vue mille fois et donc assez ennuyeuse, mais le résultat est bien meilleur qu’escomptée. I Am Not Okay with This a beau raconter une histoire qui n’est pas très originale dans les grandes lignes, elle le fait avec un angle charmant et parvient à poser des personnages riches et réalistes. Au bout du compte, c’est bien là ce qui fait la réussite de cette première saison et ce qui donne envie d’en voir plus. En espérant que la suite ne déçoive pas, on ne peut que recommander ces sept premiers épisodes.