Le Jérémy Galvan à Lyon

Au cœur du Vieux Lyon et de ses innombrables bouchons qui se ressemblent un petit peu tous, le Jérémy Galvan met en avant une « cuisine d’instinct ». Le concept intrigue et peut effrayer, mais l’idée de proposer des assiettes au gré des saisons et des produits disponibles, comme elles viennent, est séduisante. On vient ici pour découvrir un chef et sa cuisine et se laisser porter au fil d’un menu qui multiplie les assiettes et les propositions originales, voire surprenantes. Récompensé d’une étoile au célèbre Guide Michelin, cette adresse assemble les ingrédients avec beaucoup de virtuosité en un repas passionnant et délicieux. Un restaurant à découvrir si vous aimez vous laisser porter et sortir des sentiers battus.

Le Jérémy Galvan est situé à l’extrémité de la rue du Bœuf, à deux pas de la célèbre montée des Chazeux qui file à Fourvière. Cet emplacement extrêmement touristique serait idéal pour un bouchon, mais la devanture très discrète du restaurant le distingue de ses voisins. De fait, ne comptez pas sur une quenelle de brochet ou un tablier de sapeur ici et encore moins sur des nappes à carreaux, l’ambiance est tout autre. Les deux petites salles concomitantes ont été rénovées très récemment et on quitte la clameur du cinquième arrondissement lyonnais pour entrer dans un univers calme et luxueux. C’est une recette qui fonctionne bien dans le coin — on pense au 14 février, dans le même esprit — et c’est très agréable, sans que l’ambiance ne soit guindée. On s’installe à table et avant même de choisir un menu, les premiers amuses-bouches arrivent, ce qui est très agréable. Mais avant d’en parler, un mot sur les menus, justement. Il y a des formules classiques à cette adresse, des trios d’assiettes connues à l’avance, mais vous profiterez vraiment de cette cuisine d’instinct revendiquée par le chef en optant pour les formules justement nommées « Lâchez prises ». Pour 65 € et sept plats, voire 85 € et neuf plats, vous laissez Jérémy Galvan prendre les commandes et servir une suite d’assiettes sans rien savoir à l’avance. Et si vous le pouvez, les verres de vin accordés aux plats sont une excellente manière d’accompagner le repas.

Quel que soit votre choix, les amuse-bouche seront offerts, ce qui est une très bonne attention. Ce soir-là, ils se composent d’abord d’un ensemble de quatre bouchées, même si le terme ne correspond pas vraiment à ce qui nous attend. Sur le thème des quatre éléments, ils sont composés d’un nuage de fromage (air), d’un morceau de bœuf fumé (feu), d’un bouillon de champignons (terre) et de mangues accompagnées d’olives (terre). La présentation est très originale, surtout le tube à essai utilisé pour le bouillon, et c’est surtout savoureux. Chaque bouchée explose en bouche, elles ont toutes un goût très marqué et totalement différent des autres et c’est déjà une belle démonstration de ce que le chef peut proposer. Avant d’attaquer le menu, un autre amuse-bouche est servi autour d’un œuf de caille mollet et une écume d’Ossau-Iraty ; plus classique, mais très réussi. La déclinaison de sept plats que nous suivons ce soir commence avec deux entrées et d’abord une assiette végétale très fraiche autour d’asperges sauvages. Ces cousines de l’asperge que l’on a l’habitude de consommer en temps normal sont beaucoup plus fines et elles se mangent entières, encore croquantes. Elles étaient assaisonnées d’une vinaigrette bien relevée et au milieu, un blanc-manger d’œuf surmonté d’une crème à l’ail d’ours, une plante légèrement piquante. L’ensemble est très harmonieux et intense, un délice. On poursuit le repas avec une fleur de courgette encore crue, farcie avec de la carpe des Dombes fumée. Cette fois, l’assiette est plus subtile, avec un goût assez prononcé par le fumage du poisson, contrebalancé par la douceur de la crème et la gourmandise des lardons glissés au milieu. Les petites herbes sur le dessus réveillent le palais, c’est encore une fois excellent. On poursuit avec deux plats, un poisson, puis une viande. Ce soir-là, de la truite surplombée par quelques quartiers de fraise bien rouge, ce qui ne manque pas de surprendre.

Voici un bon exemple des associations osées par Jérémy Galvan et cette assiette est plus complexe qu’elle n’y paraît, avec sa vinaigrette de myrtille sous le pavé de poisson qui vient ajouter un côté vinaigré assez intense et cette tranche de parmesan qui vient au contraire glisser de la rondeur et de la gourmandise. Les pois gourmands encore croquants finissent de compléter ce tableau audacieux et parfait. De l’audace, il en fallait pour servir en guise de viande des ris d’agneau. Tout le monde n’aime pas et personne autour de la table n’en avait en fait mangé. Tout le monde a gouté et il y a eu quelques grimaces ici ou là, notamment sur la texture particulière de ces abats, mais le goût était beaucoup plus subtil qu’on ne pouvait le craindre. C’est une viande très fine et la sauce venait l’accompagner parfaitement, tout comme l’espuma de maïs. Les morceaux de pop-corn en revanche étaient surtout durs et assez inutiles. Avant d’en venir au dessert, le fromage lui-même est travaillé comme n’importe quelle autre assiette. Trois fromages de chèvre, trois textures et trois goûts différents pour créer une harmonie qui ravira les amateurs de fromage, c’est délicieux. Et pour finir ce repas en sept assiettes, deux desserts nous attendent, en commençant par un intriguant mélange de sureau et de chocolat au lait. Présentée comme un arbre, l’assiette incite à piocher entre des sorbets de sureau légers et pas trop sucrés et des pointes de chocolat caramélisées à tomber par terre. C’est léger comme il faut à ce stade du repas et le dessert suivant l’est tout autant : un nuage de lait aromatisé au thym, un sorbet et un cœur coulant à la fraise. L’herbe et le fruit s’accordent très bien et ce n’est ni trop sucré, ni écœurant. Et pour finir, la traditionnelle mignardise devient ici encore un dessert original à base de chocolat blanc, de citronnelle et de praliné ; ce n’est pas commun, ça explose en bouche et on aimerait avoir faim pour continuer…

Réputation tout à fait méritée pour le Jérémy Galvan : ce petit restaurant propose une grande cuisine, qui ose sortir des sentiers battus et qui parvient à surprendre. Tout ne vous plaira peut-être pas dans les menus imaginés par le jeune chef, mais l’expérience vaut toujours le détour et vous serez certainement agréablement surpris. Et même si les tarifs sont assez élevés, nous avons passé quatre heures dans ce restaurant sans trouver le temps long, sans avoir trop mangé en sortant et en ayant passé un excellent moment. Une adresse à retenir pour les grandes occasions.