Les Joueurs, John Dahl

Très discret à sa sortie, à la toute fin des années 1990, Les Joueurs s’est créé depuis une solide réputation auprès des amateurs de poker Texas hold’em, au point d’être considéré par certains comme un film culte. Réalisé par un cinéaste que l’on a plus vu depuis à la télévision qu’au cinéma1, ce long-métrage place en effet le poker au cœur de ses enjeux, bien plus encore que dans n’importe quel James Bond. Ici, tout tourne autour du jeu et le suspense de l’intrigue se déploie autour d’une table de jeu avec quelques séquences très prenantes. Ce n’est pas un chef-d’œuvre, mais Les Joueurs a été injustement boudé à sa sortie : un très bon divertissement, à recommander même à ceux qui ne comprennent rien au poker.

Joueurs dahl

Les Joueurs commence quand Mike McDermott, un jeune et talentueux joueur de poker, mise toutes ses économies à une partie et… perd. En quelques minutes, ses 30 000 $ et ses rêves de Las Vegas s’enfuient et il se promet d’arrêter le jeu à tout jamais et trouve un petit boulot pour financer ses études de droit. Comme on s’en doute d’entrée de jeu, ce n’est pas aussi simple et ce personnage est totalement incapable de ne pas jouer au poker. Ce qui le fait replonger, c’est son ami d’enfance qui sort de prison dans la foulée. Contrairement à Mike, Worm n’est pas un très bon joueur, mais il compense son manque de stratégie avec une excellente aptitude à tricher… Excellente, mais pas suffisante pour le tirer d’affaire à tous les coups et c’est précisément pour cela qu’il s’est retrouvé derrière les barreaux à un moment donné. Le scénario porté à l’écran par John Dahl est alors assez conventionnel, mais il fait à nouveau ses preuves. À peine sorti de prison, Worm se remet à jouer et il entraîne avec lui Mike, incapable de résister à l’appât du gain et à l’adrénaline procurée par le poker. L’une des scène essentielle se déroule ainsi juste après la sortie de la prison : Mike a laissé son ami jouer seul, il repart en voiture, freine et fait demi-tour. Les Joueurs montre ainsi très bien l’addiction du jeu, c’est une véritable drogue et malgré toute leur volonté, ces joueurs sont incapables d’y résister. À cet égard, la dernière partie est fascinante, car alors même que le héros pourrait partir la tête haute, satisfait de sa victoire, il ne peut s’empêcher de replonger et de tout miser, à nouveau.

Joueurs edward norton matt damon

Le scénario imagine une histoire de dette mêlée de mafia russe en guise de fil rouge, mais ce n’est pas, au fond, l’essentiel. Certes, cette idée permet d’introduire un personnage de méchant avec Teddy KGB, mafieux russe qui gagne contre Mike en début de film. Remarquablement incarné par John Malkovich qui s’en donne à cœur joie avec son accent russe à couper au couteau, ce personnage est une vraie réussite, à défaut d’être très subtil. Sa confrontation avec le héros permet d’augmenter le niveau de suspense et même si Les Joueurs ne fait pas vraiment preuve d’originalité sur cette histoire de dettes, le long-métrage fonctionne très bien. Il peut compter sur ses deux acteurs, autant Matt Damon dans le rôle principal qu’Edward Norton dans le rôle de Worm : ils sont tous les deux parfaitement à l’aise et crédibles en joueurs de poker et on y croit totalement. Et puis même si John Dahl ne signe pas le film le plus original de 1999, son traitement de l’amitié est plus étonnant qu’il n’y paraît. On s’attendrait à une amitié totale, ou au contraire à la trahison, mais le scénario suit une route beaucoup moins franche et plus réaliste à la fois. Ce qui n’enlève rien au suspense généré par les parties de poker et il faut reconnaître, sur ce point, que le réalisateur a fait un excellent travail. Même si on ne connaît rien en poker, même si ce n’est vraiment pas ce que l’on préfère, on est pris par Les Joueurs et le film maintient un très bon niveau de suspense, surtout vers la fin.

Joueurs john malkovich

Classique, mais bien mené, Les Joueurs mérite d’être vu, que vous aimiez le poker — son statut de film culte doit alors jouer en sa faveur — ou non. Ses acteurs sont convaincants, tout comme son scénario classique, mais prenant : John Dahl a fait un bon travail sur ce film injustement boudé à sa sortie. Ce n’est pas du grand cinéma, certes, mais un divertissement plaisant, à découvrir !


  1. Le nom de John Dahl ne vous dit sans doute rien, mais on le croise dans plusieurs séries récentes, de Breaking Bad à House of Cards, en passant par Dexter ou encore Battlestar Galactica. On connaît, au fond, assez mal les réalisateurs des épisodes de séries.