Après le succès de The Night Manager : L’Espion aux deux visages, la BBC pioche à nouveau dans l’œuvre de John Le Carré pour une mini-série sur le même modèle, six épisodes qui ressemble davantage à un ambitieux long-métrage. Le réalisateur coréen Park Chan-wook se charge de la réalisation de tous les épisodes, ce qui renforce l’impression de voir un film plutôt qu’une série traditionnelle. La Petite Fille au tambour est un roman intéressant dans le corpus du romancier, car il se concentre sur une actrice qui devient espionne en jouant un rôle pour infiltrer un mouvement terroriste. Une bonne idée qui distingue cette histoire de la moyenne des films d’espionnage. L’adaptation pour la BBC ne manque pas d’ambition, notamment esthétique, mais elle ne parvient pas à convaincre pleinement.
Martin Kurtz, agent secret qui travaille incognito pour le compte du Mossad, a l’idée de recruter une jeune actrice londonienne pour la faire infiltrer un mouvement terroriste palestinien qui résiste à Israël depuis des années. On est dans les années 1970, une époque où les attentats palestiniens se multiplient non seulement au Moyen-Orient, mais aussi dans toute l’Europe. The Little Drummer Girl ouvre d’ailleurs sur un attentat qui vise un dignitaire juif en Allemagne, ce qui permet de découvrir comment Khalil opère. On est loin de la Palestine et deux occidentaux déposent une valise piégée dans la maison de leur cible, tuant plusieurs personnes dont un enfant. Face à ces attentats et surtout cette organisation discrète et organisée à la perfection, Martin décide de recruter Charlie, jeune actrice qui a été repérée lors d’une conférence clandestine donnée par Salim, le jeune frère de Khalil. Park Chan-wook n’efface nullement le « style John Le Carré », le sens de ces récits labyrinthiques, pleins de la complexité de la réalité, où les nombreux personnages agissent sans que l’on sache pourquoi dans un premier temps. Le premier épisode est à cet égard particulièrement réussi, avec des vacances en Grèce où Charlie est abordée par les agents de Martin, même si elle ne le sait pas encore. Dans le lot, il y a Gadi, un espion israélien qui doit la séduire en l’emmenant pour une soirée romantique sur l’Acropole. Il excelle dans sa mission, mais tombe lui aussi amoureux, ce qui n’était pas prévu. À partir de cette première rencontre, le récit se construit autour de la quête de Charlie, qui apprend son rôle de fausse petite amie de Salim, puisqu’elle devra ensuite entrer dans l’organisation en tant que veuve. The Little Drummer Girl prend son temps pour poser ses personnages et détailler sa situation et à condition d’être un minimum attentif, la série de la BBC se suit facilement. On n’est pas au niveau de la complexité d’un film comme La Taupe et les scénaristes parviennent bien à rendre toute la sophistication des histoires du romancier, sans tomber dans la complexité inutile. D’excellents points donc, et il faudrait encore ajouter à la liste le casting impeccable, ainsi que la mise en scène léchée1. Pour autant, tout n’est pas parfait et l’adaptation de Park Chan-wook laisse presque indifférent.
Il lui manque peut-être quelques épisodes de plus pour améliorer le traitement psychologique de ses personnages et surtout rendre la fin vraisemblable. La romance initiale entre Charlie et Gadi est un petit peu précipitée au départ, mais le scénario lui laisse du temps pour se construire et les deux acteurs parviennent à insuffler de la vérité dans leur relation. La romance finale,en revanche, est bien plus faible. Mise en place trop rapidement, on n’y croit pas et elle nuit à la crédibilité de l’ensemble, un point pourtant essentiel dans le travail du romancier. The Little Drummer Girl peine de ce fait à convaincre entièrement, sans être ratée pour autant. Si vous aimez les histoires d’espionnage en général et celles de John le Carré en particulier, la série de la BBC vaut la peine d’être vue.
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- Qui fait la part belle aux variantes de marrons, très tendances dans les années 1970. A-t-on vu autant de marrons différents en une seule série ? ↩