Paris, Marseille, Instanbul… et maintenant Lyon, avant Bordeaux. Mama Shelter, c’est un concept original autour d’un hôtel, d’un restaurant, mais aussi de chambres d’étudiant. La chaîne vient d’ouvrir un établissement à Lyon, à quelques mètres de la place et du métro Jean Macé, dans le septième. La ville ne manque pas de restaurants, c’est le moins que l’on puisse dire. Que peut bien apporter cette adresse chic et branchée ? Un cadre original plutôt réussi, mais aussi une cuisine urbaine assez convenue et des prix parisiens qui sont difficiles à justifier à Lyon…
En ce deuxième jour d’existence, le Mama Shelter était encore largement agité par les travaux restants. La chaîne a créé un bâtiment neuf, mais qui tranche avec les immeubles alentour par son style rétro. Quasiment entièrement recouvert de briques noires, il fait dans l’originalité, mais n’est pas très gai et il s’intègre plutôt bien dans ce quartier sans logique architecturale particulière, ni bâtiments remarquables. Pour entrer dans le restaurant, il faut d’abord passer par le lobby de l’hôtel et déjà, la marque de fabrique du lieu est sensible. Le hall est occupé en majeure partie par une grande table carrée avec des magazines d’art posés au hasard et surtout deux iMac flambants neufs qui sont malheureusement inutilisables sans un code à demander à la réception. Une touche de modernité pour cette adresse qui joue à fond cette carte : pour réserver une table, il est inutile d’appeler par exemple, tout se fait sur Internet, grâce à cette page. Choisissez la date et l’heure, le nombre de personnes et donnez vos coordonnées, la réservation est faite. Les places disponibles étant mises à jour en temps réel, vous savez immédiatement si une table sera disponible, ce qui est très pratique.
Au fond, on trouve le restaurant qui fait aussi office de bar et même, certains soirs, de salle de concert. La salle du Mama Shelter est grande, mais ses concepteurs ont astucieusement réussi à éviter un côté usine. Il faut dire que la décoration, très présente, contribue à créer au contraire un effet lounge assez plaisant. L’énorme bar impressionne par sa longueur, tandis que toutes les tables surprennent par leur hauteur anormalement réduite. Le mobilier est constitué d’un savant effet bric-à-brac, comme s’il était sorti directement d’une brocante. On trouve des chaises à quelques centaines d’euros et des canapés, les tables ont l’air d’être faites d’une simple planche de contreplaqué et les verres Duralex évoquent ceux des cantines. La moquette au sol est bariolée, le plafond est décoré à la craie et semble l’œuvre d’un tagueur… Le mélange est surprenant et plutôt agréable, c’est chic et décalé juste ce qu’il faut. Les tables très basses ne sont pas des plus agréables, mais elles contribuent indéniablement à cette sensation de convivialité, mais aussi à ce côté régressif de la cantine de notre enfance. Pour finir le tour du propriétaire, la cuisine ouverte est une idée très à la mode et plutôt sympathique et les casseroles en grand nombre pendues tout autour contribuent à la décoration.
Rien à redire sur le cadre du Mama Shelter, mais qu’en est-il de la cuisine ? La carte est composée d’un nombre restreint de plats, un gage de qualité quant à la fraicheur des produits, mais aucun menu. Renseignements pris, on nous annonce un menu entrée/plat/dessert à environ 30 €, ce qui serait très raisonnable un soir avec du choix, mais qui l’est beaucoup moins pour une formule servie uniquement le midi et avec trois assiettes imposées. La carte intrigue plus par ses prix que par les intitulés des plats, assez communs. Ainsi, une gougère au comté vendue 15 € surprend par son tarif, mais pas assez pour se risquer à la choisir. On se reporte plutôt sur les plats qui descendent difficilement sous la barre des 15 € et montent à 24 € pour la seule viande au programme, un merlan de bœuf venu des États-Unis comme l’apprend une pancarte dans la salle. Les desserts peinent à faire rêver, même si vendre un éclair 14 € ou un vacherin, certes restructuré, 21 € ne manque pas d’étonner. Un a priori plutôt négatif donc, avec des tarifs qui rappellent beaucoup plus ceux que l’on a l’habitude de croiser à Paris que ceux qui sont fréquents à Lyon. Autant dire qu’avec de tels tarifs, on s’attend à une cuisine relativement originale, en tout cas impeccable sur la qualité ou la précision des cuissons et assaisonnements. Dans l’esprit cantine qui est revendiqué, on n’est pas servi à l’assiette, mais dans des plats à se partager. C’est convivial, certes, mais ce mode de service s’accorde assez mal avec les tarifs pratiqués ici.
La réalité est malheureusement largement en dessous de ces attentes. Sans oublier que le restaurant venait d’ouvrir ses portes et que les cuisiniers s’amélioreront peut-être dans les jours qui viennent, le Mama Shelter offre malgré tout une cuisine correcte, mais très banale et indigne des tarifs demandés. Le saumon snacké accompagné de légumes et vermicelles chinois était trop cuit et donc sec, tandis que les légumes n’étaient chinois que par la sauce soja qui les accompagnait. Autour, le plat du jour constitué de morceaux de bœufs et de pommes de terre sautées était lui aussi bien trop cuit — la serveuse n’a toutefois même pas pris la peine de demander la cuisson — et « les quenelles de Jérome Banctel » — seule touche lyonnaise dans cet ensemble très international — étaient apparemment bonnes et légères, mais justement un peu trop légères pour une assiette vendue 17 €. L’appétit n’ayant pas totalement disparu, nous nous sommes laissés tenter par la carte des desserts, avec à la clé quelques déceptions à nouveau. Une tarte au citron meringuée se doit d’être fraiche et moins banale que celle qui était servie pour 8 €, le café gourmand composé d’une salade de fruits et d’une petite crème était quant à lui bien cher payé à 7 € et si le chocolat Liégeois a fait son effet sur la quantité autant que la qualité avec sa crème chantilly maison, on s’étonne toujours de savoir comment on peut vendre une coupe aussi simple 10 €. Quasiment 26 € par personne en restant à des carafes d’eau, cela fait beaucoup un midi à Lyon, surtout quand les plats servis ne sont pas parfaits.
Situé à quelques minutes du Mama Shelter, on peut manger au restaurant Casa Flavio un plat et un dessert très copieux pour 17 €, avec une boisson et un café. Le cadre et la cuisine y sont peut-être moins chics, mais la qualité est au rendez-vous, pour un prix bien plus raisonnable. Ce nouveau restaurant va avoir du mal à faire ses preuves en se basant uniquement sur la décoration de sa salle. Espérons que la cuisine gagne en qualité et en finesse, ou que les prix baissent un peu. En l’état, on aurait vraiment du mal à recommander le Mama Shelter, surtout à Lyon où l’on ne manque pas vraiment de bons restaurants…