Neverland, Marc Forster

Neverland n’est pas une nouvelle adaptation de la pièce de théâtre de J.M. Barrie qui avait déjà inspiré le Peter Pan de Disney et tant d’autres. Même si l’histoire du garçon qui ne voulait pas grandir et de ses aventures dans le pays imaginaire sont évoquées en permanence en tâche de fond, le long-métrage de Marc Forster s’intéresse en fait à son auteur écossais. Sans créer un biopic complet sur la vie de cet auteur, le cinéaste s’attache à la création de la pièce elle-même et il essaie de montrer comment l’histoire est née à partir d’éléments de la vie de J.M. Barrie. Le résultat est très classique, un peu trop pour son bien, et la musique très ampoulée associée aux images souvent trop belles pour être vraies contribuent à faire de Neverland un film mignon, parfois niais, en tout cas vite oublié.

L’histoire commence sur un échec : une pièce écrite par James Barrie fait un four énorme. Le public londonien déteste l’œuvre et sa diffusion est annulée dès la première. L’écrivain subit alors une grosse pression de la part de son producteur pour écrire autre chose, mais l’inspiration ne vient pas. Marc Forster montre en parallèle que son mariage bat de l’aile et dresse ainsi le portrait d’un homme malheureux. Tout change lorsqu’il rencontre par hasard dans un parc les quatre garçons Davies et leur mère, Sylvia. Cette famille endeuillée par la mort récente du père est néanmoins le grain de bonheur qui réveille le dramaturge, réveille son imagination et va le conduire à écrire Peter et Wendy, la fameuse pièce qui relance sa carrière. Cela commence par des jeux dans le parc, et finalement l’auteur est invité dans la famille et finir par en faire partie. « Oncle John » disent les enfants, mais dans cette Angleterre du début du XXe siècle1 juge sévèrement la relation entre cet homme et une veuve. L’intrigue de Neverland se construit dès lors à la fois autour de la pièce en train de naître et sur les ragots qui conduisent finalement à la fin du mariage de l’auteur. Marc Forster ne réussit pas très bien à rendre compte de cette société et la relation entre James et Sylvia n’est pas très bien rendue, on ne ressent pas vraiment l’amour pourtant censé être présent. Certes, il y a l’époque et ses interdits, mais le long-métrage ne semble pas vraiment s’y intéresser et il y avait sans doute mieux à faire de ce côté.

La construction de l’histoire de Peter Pan est plus intéressante. On voit bien comment, à chaque histoire inventée pour distraire les garçons, l’univers imaginé par J.M. Barrie se construit peu à peu. Les fées qui permettent de voler, le pirate avec son crochet inspiré par la grand-mère sévère de la famille, le crocodile qui a avalé une horloge… tout se met en place progressivement pour aboutir au récit que l’on connaît. Les enfants contribuent à cette création, mais l’auteur en reste toujours le véritable moteur et c’est une invention ancienne. Neverland traite plutôt bien le côté enfantin de son personnage principal, en évoquant notamment son traumatisme d’enfance qui l’a conduit trop tôt à l’âge adulte et poussé alors à créer un monde merveilleux pour fuir la réalité. Ces bases sont bonnes et Marc Forster tenait un sujet en or pour un bon film, mais le réalisateur ne sait pas vraiment exploiter ce matériau. Il se contente d’une vision idyllique qui sonne trop souvent faux, pour une succession de scènes qui sont parfois mignonnes, parfois carrément niaises. La musique composée par Jan A. P. Kaczmarek est beaucoup trop expressive et surtout trop présente et elle n’aide pas. Seuls les acteurs sauvent Neverland du désastre complet. Kate Winslet est très correcte, Johnny Depp est impeccable et l’acteur trouve toujours le ton juste, mais on retiendra surtout le très jeune Freddie Highmore. L’acteur a une présence incroyable à l’image et on comprend sans peine pourquoi il a tourné ensuite dans tant de films.

Au bout du compte, Neverland n’est pas un mauvais film, mais ce drame classique se regarde sans laisser de souvenirs mémorables. Le jeu des acteurs ne fait pas tout, le long-métrage tombe trop souvent dans un côté niais et un peu simplet. Marc Forster délivre une copie beaucoup trop sage qui peine à intéresser, dommage.


  1. C’est la même époque que dans l’excellente série Downton Abbey et on retrouve d’ailleurs dans le film quelques éléments similaires, notamment chez les Barry qui vivent dans le luxe.