Poursuivant une tentative débutée avec Atlantide, l’Empire perdu l’année précédente et malgré l’échec de ce premier essai, les studios Disney se lancent à nouveau dans la science-fiction pour leur quarante-troisième classique. La Planète au Trésor, un nouvel univers adapte le classique de la littérature anglaise L’Île au trésor à un univers futuriste. La trame imaginée par Robert Louis Stevenson a été maintenue dans l’ensemble, mais les scénaristes ont choisi de raconter la quête au trésor dans l’espace. Une idée originale qui montre bien que le studio ne manque pas d’ambitions, mais le projet mené par Ron Clements et John Musker — deux grands noms du studio à qui l’on doit quelques-uns des plus grands Disney — échoue précisément là où son prédécesseur avait échoué. Trop sombre pour les enfants, trop enfantin pour les adultes, il ne séduit vraiment personne, malgré de bonnes idées.
La Planète au Trésor, un nouvel univers renoue avec une longue tradition en s’ouvrant sur un livre que l’on feuillète pour raconter une histoire. Il ne s’agit pas d’un gros volume de conte comme dans les plus anciens classiques Disney, mais d’un livre qui s’anime comme le long-métrage que l’on regarde. Cette mise en abîme permet à Ron Clements et John Musker d’introduire le futur : même si les dessins rappellent plus le Moyen-Âge, on est bien dans un univers de science-fiction. D’emblée, on note bien la particularité de ce futur : il est surtout tourné vers le passé. De fait, la majorité des décors évoque plutôt l’époque médiévale, tandis que les vaisseaux spatiaux sont en fait de vieux gréements avec des voiles qui absorbent l’énergie solaire et des réacteurs à l’arrière pour les propulser dans l’espace. Un choix original, qui n’appelle après tout aucun commentaire particulier : pourquoi ne pas imaginer un tel univers, sachant qu’il ne s’agit visiblement pas de notre futur direct. Pour autant que l’on sache, on est ici dans un univers parallèle qui n’a rien à voir avec le nôtre, même si La Planète au Trésor, un nouvel univers importe astucieusement des touches connues. L’idée de l’astroport en forme de lune est, à cet égard, plutôt bien vue. L’environnement est familier, mais différent, et l’idée des différentes races est aussi plutôt bien vue dans l’esprit d’un Disney. Les dessinateurs ont imaginé des créatures en s’inspirant d’animaux, mais en les modifiant légèrement pour en créer des personnages différents. De la terrifiante araignée mâtinée de crabe à la charmante chatte sur pied, l’imagination est au rendez-vous et cela fonctionne assez bien. On apprécie aussi la nouvelle technique qui mêle décors informatisés et personnages dessinés à la main : grâce à elle, la caméra bouge librement et les réalisateurs l’ont très bien utilisé, pour offrir de belles images dans l’espace.
Le problème de ce classique est, à nouveau, de n’avoir pas su choisir entre les enfants et les adultes. Dans l’ensemble, cette science-fiction est largement édulcorée pour les enfants. L’espace imaginé pour les besoins de La Planète au Trésor, un nouvel univers n’est pas noir et vide : il y a des sortes de baleines spatiales qui s’y déplacent, et il y a même la notion de jour et de nuit. Inutile de dire que le son s’y propage et que l’on peut même y vivre sans casque ni combinaison. Même si toutes ces caractéristiques affoleront les amateurs de science-fiction plus stricte, elles sont après tout acceptables, mais pourquoi alors avoir ajouté la notion de gravité ? Les vaisseaux spatiaux doivent créer une gravité artificielle, une idée qui semble assez gratuite et qui ne doit servir que d’excuse au scénario, à un moment donné. Plus généralement, Ron Clements et John Musker multiplient les personnages comiques avec le robot qui a perdu la mémoire, le scientifique maladroit qui mène l’expédition, ou encore le capitaine et son second atypiques. Dans le même temps, le long-métrage commence avec une ambiance assez sombre et on retrouve à plusieurs reprises des thématiques plus adultes, qui ne semblent pas à leur place dans un ensemble plus enfantin. Le public visé semble être à l’image du héros, un adolescent, mais le public de 2002 pourra-t-il se retrouver dans cet ado qui porte une boucle d’oreille et une veste en cuir, comme ceux que l’on critiquait dans les années 1970 ou 1980 ? On apprécie certains choix scénaristiques, comme l’absence d’histoire d’amour pour le héros — même si l’amour n’est pas totalement absent —, mais on comprend mal ce que vient faire l’unique chanson du film qui semble sortir de nulle part et qui n’a pas sa place ici. Bref, La Planète au Trésor, un nouvel univers est un film constamment déséquilibré, ce qui explique l’impression d’échec.
Le public ne s’y est pas trompé : alors que La Planète au Trésor, un nouvel univers a été un des Disney les plus couteux — la généralisation de l’informatique pour tous les décors n’y est pas pour rien —, il ne récolte quasiment rien à sa sortie dans les salles. Un échec cuisant pour le studio, alors même que Lilo & Stitch sorti plus tôt dans l’année a été un énorme succès. Fort de ce constat, Disney se recentre plutôt sur les enfants et le studio n’a pas changé cette nouvelle orientation depuis.