The Plot Against America imagine que le célèbre aviateur Charles Lindbergh se présente contre Franklin Delano Roosevelt lors des élections de 1940 et qu’il les remporte. Celui qui avait des vues un petit peu trop proches du régime hitlérien défend la paix pour les États-Unis, tout en préparant une montée du fascisme dans le pays. Cette uchronie a été conçue par Philip Roth dans les années 2000, mais elle trouve un petit peu trop admirablement son écho avec notre époque moderne. Ed Burns et David Simon en signent une adaptation glaçante de réalisme, une mini-série de six épisodes qui va droit au but et qui ne laissera personne de marbre. Une superbe réussite, à ne surtout pas rater.
Le premier épisode se déroule dans un contexte historique connu, celui des débuts de la Seconde guerre mondiale, la Blitzkrieg allemande et la défaite si rapide de la France. Jusque-là, The Plot Against America pourrait être une série historique, mais les déviations commencent très vite. Les États-Unis ont bien des élections présidentielles en 1940, mais alors qu’en réalité, Roosevelt est réélu pour la troisième fois avec une confortable marge de manœuvre, dans la fiction Charles Lindbergh s’oppose à lui et son message de paix trouve un écho dans tout le pays. Alors qu’une partie de la population veut s’en prendre à Hitler et se battre, la majorité préfère laisser l’Europe se débrouiller, ignorant la nature mondiale du conflit. Aveuglés par ce désir de paix, les Américains votent pour Lindbergh, au grand dam de la population juive, déjà bien alertée par ses positions antisémites. À partir de là, Ed Burns et David Simon décrivent comment une démocratie peut mourir dans un pays et comment le fascisme peut prendre le relai, l’air de rien. On pouvait faire confiance aux créateurs de séries aussi subtiles que Sur Écoute, Treme ou encore The Deuce pour ne pas tomber dans la facilité et les six épisodes sont tous superbement écrits et soignés. L’évolution politique du pays est parfaitement crédible et la montée de l’angoisse chez les Levin est dosée à la perfection. Toutes les étapes sont bien respectées et petit à petit, les mots se durcissent, les violences s’installent dans le paysage, et il faut bientôt fuir le Ku Klux Klan qui agit en toute impunité, soutenu par la police et le gouvernement. C’est aussi bluffant qu’effrayant, d’autant que tout ce qui est décrit dans The Plot Against America pourrait s’appliquer à nos sociétés. Comment ne pas dresser un parallèle entre ces élections fictives de 1940 et celles, bien réelles, de 2020 ? Comment ne pas imaginer que les États-Unis, ou bien quasiment n’importe quel pays européen, pourraient tomber dans le fascine tel que la création de HBO l’imagine ? Cette uchronie est bien trop proche de nous pour ne pas laisser indifférent et c’est l’une de ses plus belles réussites. La mini-série peut aussi compter sur des personnages soignés et riches, à l’image du père borné qui refuse de céder quitte à mettre sa famille en danger — Morgan Spector, impeccable. On retiendra aussi la détresse dans le regard des enfants, la peur viscérale dans celui de la mère — Zoe Kazan, super — et encore davantage l’aveuglement de ce rabbin qui défend Lindbergh et devient l’arme même qui permet au fascisme de s’installer. John Turturro est excellent, comme on pouvait l’attendre et il conduit son personnage dans la folie complotiste avec un naturel confondant.
The Plot Against America réussit là où The Man in the High Castle avait échoué. Ces deux uchronies se déroulent à la même époque et sur la même idée de base, que la Seconde guerre mondiale ne s’est pas déroulée comme on le sait et que l’Allemagne nazie a remporté des points aux États-Unis. Mais là où la série de Prime Video se contentait de renouveler l’éternel affrontement entre bien et mal, dessinant deux blocs compacts avec un manque de subtilité évident, Ed Burns et David Simon parviennent au contraire à écrire une histoire alternative pleine de subtilités et surtout si proche de la réalité qu’elle en est presque gênante. Le complot contre l’Amérique imaginé par HBO n’est pas si éloigné des théories qui circulent constamment dans nos sociétés et cela fait peur. Un signe de plus qu’il ne faut pas passer à côté : The Plot Against America est au fond un message d’avertissement très efficace. À voir.