Quelques mois seulement après Pentagon Papers, le deuxième long-métrage de Steven Spielberg en 2018 pourrait être difficilement plus différent. Après le drame historique intéressant, parfaitement réalisé, mais aussi assez bateau, Ready Player One est une œuvre nettement plus ambitieuse. Adapté d’un roman, le long-métrage surfe sur la mode naissante de la réalité virtuelle pour imaginer un futur proche où tous les habitants fuient la dure réalité dans Oasis, un immense monde virtuel sans limite et où tout est possible. L’idée n’est pas foncièrement originale pour tous ceux qui suivent, même de loin, l’actualité informatique, mais elle est plutôt bonne et surtout elle offre à Steven Spielberg une liberté folle. De fait, Ready Player One est essentiellement réalisé en animation et le film se transforme lui-même en jeu, où l’objectif est de chercher le maximum de références à d’autres films, jeux et autres éléments de la culture pop. Le réalisateur a le bon goût ne pas prendre son projet trop au sérieux, et le résultat est fun.
L’intrigue de Ready Player One se déroule en 2045, à une époque où la société telle qu’on la connaît aujourd’hui est tombée et c’est une période de chaos qui a suivi, entre problèmes écologiques, guerres et pauvreté. Steven Spielberg n’a besoin que d’une scène ou deux dans une sorte de bidonville à la verticale, une super idée d’ailleurs, pour camper son décor somme toute assez banal. On est dans la dystopie post-apocalyptique très classique et toute les séquences dans le monde réel restent dans ce cadre très convenu, qui aurait donné un film très ennuyeux s’il n’y avait que ça. Mais il n’y a pas que ça : très vite, le personnage principal pose son casque de réalité virtuelle sur la tête, et le voilà dans OASIS, un monde virtuel qui a connu un succès immense. Tout le monde se retrouve dans cet univers fictif créé par un développeur brillant qui est mort quelques années avant le début du film. En partant, il a lancé un défi à tous ces joueurs : la clé pour contrôler cet univers virtuel, pour le premier qui résoudra trois énigmes successives. On comprend vite que ces épreuves constitueront la trame générale du film et le cinéaste n’essaie pas de chercher à être original. Ready Player One suit ce chemin tout tracé et on ne peut pas dire qu’on sera surpris, pendant les deux heures vingt que dure le long-métrage. On pourrait souligner un manque d’originalité et en effet, quelques lieux-communs auraient pu être évités, mais ce côté prévisible ne nuit pas nécessairement au projet.
On le disait en préambule, le point de départ de Ready Player One offre aux scénaristes une liberté quasiment absolue, puisque l’essentiel se déroule dans un univers fictif où tout est possible, ou presque. Steven Spielberg joue dessus pour imaginer un environnement très varié, avec des mondes colorés et d’autres sombres, de la violence et du kawaii. Ici une course de voiture folle dans un New York plein de monstres, là une immense bibliothèque où tous les souvenirs du créateur d’OASIS sont collectés, ailleurs une réplique de l’hôtel et du labyrinthe de Shining, mais avec des zombies pour pimenter le tout. Cette liberté est mise au profit d’une incroyable collection de clins d’œil et références, peut-être la collection la plus complète et vaste jamais vue dans un long-métrage. Les producteurs ont réussi à obtenir des autorisations pour des dizaines et des dizaines de films, séries, animés, jeux, musiques de la culture pop et il y a des références partout, tout le temps. De Jurassic Park à la saga Retour vers le futur, d’Akira à Citizen Kane, de Battlestar Galactica à Chucky, de Gremlins à Halo… on pourrait continuer la liste pendant des heures. Il y a tant de références qu’il est impossible de toutes les voir, en tout cas pas en une seule fois. Ce site recense pas moins de 120 références et il en manque certainement, cachées dans un coin de décors ou au milieu d’une foule. Il y a tellement de clins d’œil que le film gagne une dimension ludique : ce n’est pas tellement l’intrigue principale qui est intéressante, c’est ce jeu qui consiste à trouver le maximum de clins d’œil. Steven Spielberg l’a probablement bien senti et il se garde toujours de prendre le projet trop au sérieux. C’est léger et c’est fun, c’est précisément le traitement qu’il fallait pour ce film.
Ready Player One ne restera peut-être pas dans les mémoires, ce n’est certainement pas un grand film, mais ce qui le sauve est précisément d’en avoir conscience. Steven Spielberg s’est certainement amusé à compiler toutes ces références en un seul long-métrage et il a réussi à communiquer ce plaisir. Son dernier long-métrage est léger et ludique, si bien qu’on lui pardonne ses personnages un petit peu stéréotypés et pas franchement passionnants, ou bien sa bande-originale peu inspirée. Ready Player One n’est pas le film de l’année, mais c’est un divertissement que l’on aurait tort de bouder.