Seul au monde, Robert Zemeckis

Relecture moderne de Robinson Crusoé, Seul au monde est resté en mémoire pour la performance de son acteur principal. Tom Hanks a donné de sa personne, perdant plusieurs dizaines de kilos pour tourner ce film qui raconte la survie d’un homme sur une île déserte pendant quatre ans. La star est indéniablement un argument fort en faveur du long-métrage de Robert Zemeckis, qui a par ailleurs assez bien vieilli. Certes, le sponsor permanent de FedEx est envahissant par endroits et Seul au monde tire un petit peu en longueur, mais le réalisateur signe malgré tout un film plaisant et bien mené. Un bon divertissement.

L’introduction est assez longue et un peu étrange, entre clichés sur la Russie découvrant le capitalisme et banalités de repas de famille pour les fêtes de fin d’année. Robert Zemeckis prend son temps pour poser son personnage principal, Chuck Noland, un cadre de l’entreprise FedEx obsédé par le temps. C’est un homme stressé et stressant — on dirait toxique aujourd’hui — qui se met une pression énorme pour faire tourner l’entreprise de livraison de colis dans le monde, et qui met une pression tout aussi importante sur tous ceux qui l’entourent. Cela en arrive à un tel point qu’il part en plein milieu d’un diner en famille pour une urgence à l’autre bout du monde. Il promet en partant à sa promise de revenir vite, mais en route, une tempête plonge son avion au milieu de nulle part dans l’Océan Pacifique. Seul survivant au crash, il se retrouve seul sur une île déserte et doit se débrouiller avec deux ou trois cartons qui s’échouent avec lui sur la place. Seul au monde suit de loin l’histoire de Robinson Crusoé, la principale différence étant que Chuck est seul et qu’il reste nettement moins longtemps. Mais quatre ans, quand même : quatre ans de solitude absolue sur un caillou qui ne contient quasiment rien, quelques arbres et noix de coco, mais pas d’animaux ni source d’eau.

La performance de Tom Hanks pour faire évoluer son personnage dans les premiers jours qui suivent le crash, puis après une ellipse, quatre ans après l’accident, est indéniablement un point fort du long-métrage. Il a fallu un an de préparation pour perdre du poids et laisser ses cheveux pousser, mais cet effort paye : il est parfaitement crédible dans ce rôle de Robinson moderne. Il gère notamment très bien le grain de folie qui finit inévitablement par arriver après une telle période sans contact humain. Robert Zemeckis opte pour un traitement « réaliste », avec aucune musique tant que son personnage principal reste seul sur l’île et un travail sur le son ambiant pour compenser. Un pari gagnant, qui renforce l’intensité du film et qui n’est nullement gênant. Au contraire même, ce sont les séquences avant et après le passage sur l’île qui sont les plus faibles, à la fois parce que la musique d’Alan Silvestri est classique et un peu lourde, et à la fois parce que le scénario manque alors sérieusement d’originalité. Seul au monde évite le happy-end trop facile, c’est appréciable, mais son traitement reste assez banal et bien inférieur aux séquences îliennes. Et puis la présence écrasante de FedEx est plus difficile à ignorer sur la terre ferme. L’entreprise de livraisons a financé tous les coûteux transports du tournage en échange de cet immense placement produit, et cela se voit un petit peu trop. La séquence en Russie ressemble à une publicité vieillotte et même à la fin, l’entreprise est présentée sous le meilleur jour possible. Ce n’est pas très subtil et parfois gênant.

Cela étant, Seul au monde reste un bel exemple de film catastrophe très bien exécuté et une relecture efficace du mythe de l’homme abandonné sur une île déserte. Robert Zemeckis sait raconter des histoires, Tom Hanks prouve encore une fois toute l’étendue de son talent et quelques années après Forrest Gump, ce duo fait à nouveau ses preuves.