Voyage vers Agartha, Makoto Shinkai

Son titre français laisse à croire que Makoto Shinkai a réalisé un film d’aventure, mais Voyage à Agartha n’est pas l’équivalent japonais d’Atlantide, l’Empire Perdu. Certes, Agartha est bien un lieu imaginaire censé se situer sous la terre et c’est un mythe assez similaire à celui d’Atlantide, mais ce n’est pas vraiment le sujet du long-métrage. Le titre original que l’on pourrait traduire par « Les enfants qui chassent les étoiles » nous rapproche du sujet, mais c’est le titre anglais qui est le plus fidèle à l’esprit du film. « Les enfants qui chassent les voix perdues » : Makoto Shinkai met en scène une histoire apparemment toute mignonne sur une petite fille qui découvre un monde sous-terrain merveilleux, mais Voyage à Agartha est en fait une œuvre beaucoup plus sombre et complexe sur la perte et le travail du deuil. Ne vous arrêtez pas à la promesse d’une aventure légère pour les enfants, c’est bien plus que cela.

Asuna est une écolière semblable comme tant d’autres, quelque part au Japon, sauf que la mort de son père l’a forcé à grandir beaucoup trop vite. Dès le départ, le film la montre bien à part de ses camarades de classe et surtout très seule. Elle a bien Mimi, une sorte de petit chat entremêlé d’écureuil, pour l’accompagner, mais sa vie est largement solitaire. Sa mère travaille beaucoup et c’est elle qui s’occupe de tout à la maison, elle fait à manger, fait la vaisselle et la lessive ou achète des sacs de riz bien trop lourd pour elle. L’introduction de Voyage vers Agartha est très réaliste, une sensation renforcée par des décors détaillés et très précis, comme s’il s’agissait quasiment d’une œuvre documentaire. Par petites touches, Makoto Shinkai introduit une dose de fantastique, avec tout d’abord des bizarreries, un son étrange entendu sur la radio amatrice d’Asuna, puis une lumière dans la montagne et enfin une drôle de bête qui se met à attaquer les habitants. On découvre finalement l’existence d’Agartha, un monde sous-terrain qui cachait une très grande richesse et une technologie bien plus évoluée que celle de la surface, mais qui n’est maintenant plus que ruine et désolation. Si cela vous rappelle l’Atlantide, c’est normal, les deux mythes sont assez proches. Le scénario explore ce monde fantastique autour d’une quête menée par le personnage principal et son professeur et il y a bien de l’aventure et des dangers, mais se concentrer sur ces aspects-là reviendrait à passer à côté du sujet principal du film. Ce qui intéresse avant tout le réalisateur, c’est la question de la perte et du deuil qui est centrale. Asuna a perdu son père avant le début de l’histoire et elle perd Shun très rapidement pendant le récit. Son professeur qui l’accompagne à Agartha a perdu sa femme, Shin qui les accompagne tous les deux a perdu son frère, Shun. Tout le monde a perdu quelqu’un et Voyage à Agartha questionne cette perte, en la remettant en cause. Le professeur est persuadé que la technologie existe sous la surface pour ressusciter sa femme, c’est pour ça qu’il veut s’y rendre et en conséquence, Asuna se demande si elle ne pourrait pas revoir son père, ou son ami. Le synopsis laisse entrevoir une œuvre assez légère, plutôt taillée pour les enfants, mais on se rend vite compte que c’est un leurre. Le ton est en fait assez sombre, et il y a même quelques séquences assez violentes, avec plus de sang visible à l’écran que dans bon nombre de Disney en images réelles. Makoto Shinkai n’hésite pas à adopter pour un ton très adulte et ce n’est absolument pas une œuvre mièvre.

Voyage vers Agartha est un film d’animation plus intéressant qu’on pourrait le croire au premier abord, une caractéristique typique du travail de Makoto Shinkai. Le cinéaste donne souvent l’impression de réaliser des œuvres mignonnes et sans profondeur, alors que ce sont souvent des histoires sombres et complexes qu’il déploie. C’est indéniablement le cas ici encore, avec une histoire qui se construit entièrement autour de la mort et du deuil des survivants. Ne vous fiez pas au titre français ou à l’affiche un peu kitsch, Voyage vers Agartha vaut le détour.