X-Men: Dark Phoenix, Simon Kinberg

Dans la longue et bizarre saga des X-Men menée depuis 19 ans déjà, cet ultime épisode est peut-être le plus étrange. X-Men: Dark Phoenix est d’abord une œuvre de conclusion, ce sera le dernier volet de cette longue série sous l’égide de la Fox, avant le retour des super-héros chez Disney et donc dans le gigantesque Univers cinématographique Marvel. Ce point final n’est pas une histoire originale, mais plutôt d’un arc narratif déjà exploré dans X-Men, l’affrontement final, celui de la mutante Jean Grey, alias Phoenix, la plus puissante de toutes. Et comme si cela ne suffisait pas, c’est Simon Kinberg qui se charge d’écrire et de réaliser cet ultime volet, le même qui a signé plusieurs scénarios de la saga, dont celui très controversé de l’affrontement final. Mises bout à bout, toutes ces informations pourraient signifier que la saga se termine en beauté, avec un personnage passionnant qui a droit au traitement qu’elle mérite. Hélas, la réalité n’est pas aussi positive. X-Men: Dark Phoenix est un blockbuster paresseux qui a totalement oublié ce qui faisait la force de la saga à ses débuts, et qui finit vite même par ennuyer. Rien ne sauvera décidément cette saga qui avait pourtant si bien commencé…

Même s’il n’y a qu’une seule grande saga qui contient même des spin-offs largement déconnectés — les deux Deadpool appartiennent en théorie à la saga X-Men —, il y a en fait plusieurs trames narratives différentes. Après la trilogie initiale lancée par Bryan Singer et après quelques longs-métrages dédiés à Wolverine, un reboot a été initié avec X-Men : Le Commencement. On annulait tout et on revenait avec les mêmes personnages, mais plus jeunes et c’est dans cet univers-là que se déroule cet ultime épisode. L’intrigue de X-Men: Dark Phoenix se déroule ainsi entièrement dans les années 1990 et le film suit dans la chronologie le précédent, X-Men : Apocalypse. On retrouve donc les mêmes personnages et les mêmes acteurs, c’est le même univers sans Wolverine, avec les mutants encore jeunes. Le personnage de Jean Grey est déjà connu au cinéma, mais il faut oublier tout ce que l’on sait à son sujet, c’est une nouvelle version qui est mise à l’honneur ici, avec une nouvelle actrice. Après Famke Janssen, c’est Sophie Turner qui prend le relai et on ne peut pas dire qu’elle ait la même intensité. Son personnage n’est pas forcément passionnant, ce qui n’aide sans doute pas, mais l’actrice a vraiment du mal à lui offrir de la consistance et elle passe largement à côté du rôle. Le scénario suit le parcours de la jeune femme, d’abord petite fille qui découvre des pouvoirs qu’elle ne maîtrise pas et qui provoquent la mort de ses parents dans un accident de voiture. Elle est recueillie par le professeur Xavier et entre ainsi dans les X-Men, dont elle est un membre à part entière quand l’intrigue se met en place. X-Men: Dark Phoenix raconte sa naissance en tant que superhéroïne avec une mission pour sauver une navette spatiale où elle absorbe des radiations solaires qui lui donne ses pouvoirs.

Tout comme le nom du film le suggère, tout l’enjeu à partir de ce point de départ est de savoir comment Jean va utiliser ses pouvoirs. Va-t-elle faire le bien et aider les humains, comme le souhaite le professeur à la tête des X-Men, ou bien à faire le mal ? Quand elle découvre que son père n’est pas mort, mais l’a abandonnée, elle entre dans une colère noire et s’en prend aux policiers et autres mutants. Simon Kinberg sent bien qu’il a ici une bonne base pour poser la question la plus intéressante de toutes, celle de la politique et de la vie en société des mutants avec leurs différences. D’ailleurs, X-Men: Dark Phoenix commence par emprunter cette voie en soulignant que les actions de Jean remettent en cause le pacte entre le gouvernement américain et les X-Men, mais cette idée est lancée dans le fil du récit sans rien en faire vraiment. C’est effleuré comme s’il fallait le faire pour satisfaire un objectif, mais ce n’est pas le cœur du film. De même, il y a bien quelques prémices d’un affrontement entre mutants sur la marche à suivre avec Jean, mais ça aussi est écarté au profit d’un enchaînement de scènes d’action et d’un arc narratif sans aucun intérêt à base… d’extra-terrestres. Oui, alors qu’il y avait toute l’opportunité de traiter de sujets riches et complexes en l’état, X-Men: Dark Phoenix préfère introduire une menace extérieure et opte en plus pour la pire idée qui soit. On se demande bien ce que Jessica Chastain, chevelure totalement décolorée, vient faire dans cette galère, mais elle ne sauve rien du tout et son rôle est aussi peu intéressant qu’on pouvait l’imaginer. Le blockbuster de Simon Kinberg ne commence pas trop mal, pendant quelques minutes même on pourrait se dire qu’il pourrait être sauvé malgré l’amoncellement de clichés. Mais comment ne pas lâcher prise quand on découvre cette histoire d’extra-terrestres venus détruire notre planète ? Le film ne parvient alors même pas à distraire, son objectif le plus minimal, et on finit par s’ennuyer ferme à suivre ce scénario qui ne dévie jamais de son tracé jusqu’au bout.

On ne sait pas encore si Marvel pourra mieux faire en réintroduisant les X-Men dans l’univers déjà bien complet des Avengers. À dire vrai, il y a assez peu d’espoir qu’il en ressorte quoi que ce soit de bon, mais on peut aussi se dire que ce ne sera pas pire que ce que la Fox en a fait. Il était temps de mettre un terme à cette saga qui a très bien commencé, mais qui n’a connu pratiquement que des déceptions interrompues d’une ou deux perles au fil des années. X-Men: Dark Phoenix n’est malheureusement pas vraiment une déception, plutôt la confirmation qu’il faut un petit peu plus qu’un blockbuster d’action pour que ces super-héros soient quelque peu intéressants. Oubliez le long-métrage de Simon Kinberg et revoyez plutôt les deux premiers X-Men qui, eux, restent toujours aussi passionnants malgré le poids des années.