Même s’il jouait beaucoup sur l’humour et le spectaculaire, il faut reconnaître qu’Indiana Jones et le Temple maudit imposait un ton très différent du premier volet. Plus sombre et plus violent, cette suite n’a pas autant convaincu les critiques et le public qui regrettent la légèreté des Aventuriers de l’arche perdue. Steven Spielberg entendait en faire une trilogie et il poursuit malgré tout son travail sur cette saga, mais en changeant totalement de ton et d’ambiance pour cette suite. Indiana Jones et la Dernière Croisade signe un retour aux sources : retour à la fin des années 1930, retour des Nazis en guise d’ennemis, retour aussi à la mythologie chrétienne et occidentale avec le Graal. Bref, que des valeurs sûres pour assurer un spectacle familial, drôle et impressionnant comme il faut. C’est plus calibré et on pourrait dire que c’est plus décevant, mais force est de constater que Steven Spielberg maîtrise parfaitement l’art du blockbuster et qu’il signe à nouveau un divertissement de haute volée. Pendant plus de deux heures, Indiana Jones et la Dernière Croisade ne traine jamais la patte pour offrir un spectacle parfaitement orchestré et toujours très plaisant à suivre. Un classique du genre, incontestablement.
Comme ses deux prédécesseurs, Indiana Jones et la Dernière Croisade commence avec une séquence d’introduction largement déconnectée du reste. Cette fois, ce n’est pas pour démontrer les talents de l’archéologue, mais plutôt pour expliquer en partie l’origine du personnage. Steven Spielberg ouvre le troisième film en 1912, alors qu’Indiana Jones n’est encore qu’un scout, mais déjà passionné par l’archéologie. Il tente d’empêcher des pilleurs de s’approprier un artefact historique qui devrait rester dans un musée et c’est l’occasion d’une scène d’action qui retrace les origines du personnage, qui montre son habilité à sortir de n’importe quel pétrin et sans doute aussi l’origine de sa phobie des serpents. Ce n’est qu’un préambule à la série Les Aventures du jeune Indiana Jones parue dans les années 1990, mais c’est un petit peu la même idée et c’est surtout une excuse pour mettre en scène une longue séquence sur un train en mouvement. En quelques minutes, le réalisateur prouve l’étendue de son talent et impose un rythme intense qui reste la marque de fabrique du film jusqu’au bout. L’intrigue principale se met ensuite en place, avec la disparition du père d’Indiana Jones alors qu’il était en quête du Graal, la coupe qui aurait recueilli le sang du Christ. L’archéologue se rend à Venise pour essayer de trouver la trace de son père, avant d’aller en Autriche puis à Berlin, et de finir sa quête quelque part au Moyen-Orient. Sans être complexe, la structure globale de cet épisode est plus riche que les précédents et on sent que la réalisation bénéficie de moyens plus amples. C’est une grosse production, on découvre plusieurs décors différents et Indiana Jones et la Dernière Croisade multiplie les séquences de différents genres. Il y a deux séries d’exploration et de puzzle, une fois dans la librairie vénitienne, puis à la fin pour le Graal. Il y a des scènes de course-poursuite et d’action, dans les airs et sur terre, avec un Zeppelin et un tank. Bref, Steven Spielberg exploite pleinement les moyens à sa disposition
Pour la première fois peut-être, le réalisateur s’investit davantage et impose un tournant inattendu pour le scénario à travers une relation père/fils au cœur de l’intrigue. C’est un classique dans la carrière de Steven Spielberg, une bonne partie de ses films se construisent autour d’une relation de ce type et c’est bien lui qui apporte cette idée à l’histoire de base, fournie comme toujours par George Lucas. Dans la séquence introductive déjà, Indiana Jones et la Dernière Croisade présente le personnage du père. On ne voit pas encore son visage, mais on comprend l’idée principale : très sévère, le père ne s’intéresse pas à son fils et préfère consacrer sa vie exclusivement à la quête du Graal. Même s’il est une source d’inspiration pour Indiana Jones, ce dernier a rompu les ponts quand se met en place l’intrigue principale et il ne part à sa recherche qu’à contrecœur. Cette relation difficile est le principal moteur de l’humour dans le film et c’est un de ses points forts. Même s’ils n’avaient en fait que douze ans d’écart seulement, Harrison Ford et Sean Connery forment un duo père/fils très convaincant et très drôle. Dans sa troisième interprétation d’archéologue, le premier trouve naturellement le ton juste et ses petits sourires en coin sont toujours aussi bien placés. Quand au second, il prend un plaisir évident à jouer le père exigeant et obnubilé par sa quête du Graal, mais aussi toujours un petit peu dédaigneux vis-à-vis de son fils. Le scénario limite au maximum les passages obligés de réunion familiale, même s’ils sont encore là, mais le long-métrage parie plutôt sur l’humour et la légèreté et c’est bien vu. La différence est aussi flagrante par rapport au volet précédent sur le traitement du méchant. Certes, il y a plusieurs trahisons et certes, la séquence berlinoise avec un autodafé et la présence de Hitler à l’écran reste impressionnante. Néanmoins, Indiana Jones et la Dernière Croisade ne semble jamais trop sérieux sur ce point et exploite davantage l’imaginaire collectif de cet ennemi si monstrueux qu’il rassemble tous les Américains1. Pour le dire autrement, le film n’est jamais trop sérieux et il permet de se concentrer sur le divertissement pur et sans conséquence. Ce qu’il fait avec beaucoup de talent.
Steven Spielberg joue la carte de la sécurité avec ce troisième film dans la saga et on ne peut pas vraiment lui en vouloir. Indiana Jones et la Dernière Croisade a eu beaucoup de succès à sa sortie et il reste, près de trente ans plus tard, un excellent divertissement pour toute la famille. Il n’est plus aussi sombre et violent que son prédécesseur et il retrouve au contraire la légèreté du premier épisode. Ce n’est pas plus que du spectacle, mais c’est un spectacle mené à la perfection et qui est extrêmement bien équilibré, bien écrit et bien réalisé. À ce stade, l’idée de départ de George Lucas a donné naissance à une trilogie qui a marqué son époque et reste une référence. On n’en dira pas autant bien des années plus tard pour le retour de l’archéologue sur le grand écran, mais en attendant, Indiana Jones et la Dernière Croisade offre un plaisir coupable que vous auriez tort de bouder.
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- En tout cas, c’était encore le cas en 1989… ↩