Loki, Michael Waldron (Disney+)

Disney+ enchaîne sans trainer les séries qui participent à l’Univers cinématographique Marvel. Après l’originale WandaVision et la classique Falcon et le Soldat de l’Hiver, c’est au tour d’un autre personnage secondaire de l’univers d’avoir « sa » série indépendante. Mais Loki ne se contente pas d’offrir au frère de Thor un moment de gloire, cette nouvelle création est bien plus importante que cela. Contrairement aux deux séries qui l’ont précédée, celle-ci est intégrée à la saga, dans le sens où elle lance véritablement la phase 4 en agissant comme une introduction au concept de multivers. C’est aussi la première qui n’est pas une mini série sans suite, Disney+ a programmé une deuxième saison qui ne sera pas de trop d’ailleurs, tant ces six premiers épisodes ne ressemblent pas beaucoup plus qu’à une introduction. Loki offre une vision riche et passionnante sur les univers parallèles et l’identité, mais laisse un petit peu les spectateurs sur leur faim.

Preuve qu’elle s’intègre mieux à la saga sur grand écran, Loki commence sur une séquence d’Avengers: Endgame. Dans le film, les super-héros survivants après le massacre de Thanos — qui avait tué Loki au passage — trouvent un moyen pour remonter le temps et empêcher le grand vilain de faire son œuvre. Parmi ces retours dans le passé, on revient ainsi en 2012, dans le New-York assiégé par les extra-terrestres du premier Avengers pour changer le cours de l’histoire. En l’occurrence, Loki n’est plus fait prisonnier, il parvient à s’échapper avec le Tesseract et c’est précisément à ce moment-là que la série de Disney+ enchaîne. Ce retour dans le passé entraîne une réalité parallèle où le personnage n’est pas fait prisonnier et parvient à s’échapper, mais il est emprisonné dans la foulée par le TVA, le Tribunal des Variations Anachroniques. Dans l’univers Marvel, cet organisme que l’on découvre avec cette série est chargé de surveiller le temps pour éviter les déviations qui pourraient créer des branches parallèles et remettre en cause l’univers entier. La première partie de la création de Michael Waldron consiste à lever le voile sur cet étonnant organisme, une bureaucratie absurde avec une drôle d’ambiance rétro1, dont le rôle est de détruire des branches entières et d’emprisonner les « variants » qui sortent de la voie qui a été tracée pour eux. Loki est l’un de ces variants, mais on apprend au fil de l’évolution de la saison que ce n’est qu’un des multiples variants de Loki qui ont existé. Le personnage, dieu de la malice après tout, aime ruser et il a une tendance marquée à dévier du chemin tracé pour lui, ce qui fait que le TVA l’a arrêté à de multiples reprises.

Ces idées servent de base à une série nettement plus originale et audacieuse que les films de l’Univers cinématographique Marvel. C’était déjà le cas des autres créations de Disney+, mais c’est encore plus flagrant ici, alors que ces six épisodes servent de fondation à plusieurs long-métrage attendus dans les prochaines années. Il suffit de comparer le traitement du voyage temporel dans Loki à la vision affligeante de bêtise proposée dans Avengers: Endgame. Dans ce dernier, les scénaristes faisaient toutes les erreurs imaginables, piétinant les paradoxes temporels et bricolant avec la logique comme cela les arrangeait. Rien de tel ici, avec des idées fortes sur les mondes parallèles et les implications des voyages temporels. Ce parallélisme est poussé à son paroxysme quand on découvre que « Loki » ne désigne pas nécessairement l’homme blanc que l’on a jusque-là toujours connu, représenté au cinéma par Tom Hiddleston qui a d’ailleurs repris son rôle ici. Les variants peuvent prendre n’importe quelle forme, celle d’un enfant ou au contraire d’un homme plus âgé, mais aussi un grand black, une femme ou, pourquoi pas, un alligator. Il n’y a pas de règle et la série essaie de multiplier les variations pour donner un meilleur sens de la diversité du personnage. À travers ces variants, Loki offre une représentation littérale assez intrigante du concept de personnalités. Tous ces personnages sont Loki, des facettes d’une même personne qui ne peut pas être résumée à un nombre fini de traits de caractère. C’est bien plus original que ce que l’on a l’habitude de voir au cinéma et même si la première saison reste très courte, elle prend son temps pour poser ces concepts et creuser ses idées. On est loin du blockbuster qui doit avancer à toute allure et cela fait du bien de suivre un rythme apaisé et de prendre le temps d’explorer d’autres pistes.

Ces bons points forment une base prometteuse, mais Loki se termine pile quand cela commence à devenir intéressant. C’est une stratégie assumée de Disney qui lance ainsi la phase quatre de son univers en expansion constante et il faudra attendre les longs-métrages et séries à venir pour en savoir plus, ou peut-être la deuxième saison de la création de Michael Waldron. En attendant, on est un petit peu frustré, mais satisfait d’avoir pu creuser davantage la personnalité d’un super-héros Marvel. Seul regret à signaler, cette histoire amoureuse entre Loki et Sylvie, qui est franchement ennuyeuse et qui a d’autant moins de sens que, ô miracle chez Disney, le personnage reconnaît explicitement son attrait pour les hommes. On ne peut pas trop en exiger sans doute, et Loki est déjà bien plus ouverte et riche qu’un long-métrage.

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  1. Parmi les influences des décorateurs, évoquons Brazil qui est presque cité explicitement avec le petit écran posé sur un bureau.