Luke Cage, Cheo Hodari Coker (Netflix)

Le partenariat entre Marvel et Netflix se poursuit avec une nouvelle série consacrée à un superhéros. Après Daredevil et Jessica Jones et avant Iron Fist, place à Luke Cage ! La formule ne change pas, on a ainsi une série de treize épisodes qui reste largement indépendante des autres, mais qui s’apprécie davantage si on regarde les saisons dans leur ordre de diffusion. Netflix offre à Marvel un univers encore plus riche qu’au cinéma et cela lui convient bien, surtout avec un personnage aussi riche et complexe que peut l’être Luke Cage. Un très bon cru, peut-être même la meilleure série des trois pour le moment !

luke-cage-netflix

Comme au cinéma, les séries ne sont pas totalement imperméables, même si elles sont indépendantes. Vous pouvez regarder Luke Cage avant de voir les trois saisons Marvel déjà disponibles sur Netflix, ni aucun des films dans la saga des Avengers, mais vous perdrez nécessairement un petit peu. Déjà, parce que le personnage de Luke n’est pas nouveau : on l’avait découvert dans Jessica Jones, quand il n’était alors qu’un barman discret dans le quartier de Hell’s Kitchen. Au début de cette nouvelle série, le superhéros est de retour dans son quartier d’origine, Harlem, et il est encore très anonyme. Il cumule les petits boulots comme tant d’autres personnes dans le quartier, balayeur dans un salon de coiffure le jour, plongeur dans une boîte branchée la nuit. Des évènements indépendants de sa volonté vont pourtant le forcer à révéler sa vraie nature : dans le quartier, la drogue et la violence sont le lot quotidien et tout dérape quand un jeune employé de Cottonmouth, le baron de la drogue local, essaie de voler son patron lors d’une vente d’armes. La vengeance tourne mal et Pop, l’homme à la tête du salon de coiffure et aussi le sage de Harlem, est victime d’une balle perdue. Luke Cage décide alors de prendre les choses en main et de sauver son quartier des mains de Cottomouth et de sa cousine, une femme politique qui baigne aussi dans les mauvais coups. On savait que cet homme était en fait un superhéros doté d’une peau si résistante qu’elle résiste à tous les coups et même aux coups de feu, mais aussi d’une force surhumaine. On découvre au fil des épisodes comment sa particularité est apparue — comme souvent dans les comics, c’est le résultat d’une expérience scientifique ratée — et la série se construit autour de sa lutte contre la mafia locale avant d’affronter un danger bien plus grand encore, surgit de son passé.

luke-cage

Cheo Hodari Coker a la lourde tâche d’introduire un nouveau superhéros, un sujet passionnant, mais plus difficile qu’il n’y paraît. Bonne nouvelle, c’est une réussite, notamment parce que Luke Cage n’en dévoile pas trop tout de suite. C’est par une série de flashbacks que l’on finit par apprendre que le personnage était en prison quand il a subit une opération qui s’est mal déroulée et qui aurait dû le tuer, mais qui lui a offert au contraire ses pouvoirs. Pendant longtemps, on sait que le personnage est très fort et très résistant, mais on ne sait pas pourquoi, et c’est bien vu. Par ailleurs, la psychologie du personnage est très bien écrite pour une fois et le personnage est parfaitement crédible. Mike Colter est parfaitement à son aise dans les baskets du superhéros et son interprétation stoïque mêlée de colère est parfaitement adaptée. Anti-héros à sa manière, il refuse constamment son étiquette de héros et cherche désespérément à être quelqu’un de normal. Ce n’est pas la première fois qu’on le voit naturellement, mais ce thème est particulièrement bien mené et Luke Cage est peut-être la variation la plus riche et la plus intéressante. Le scénario est particulièrement bien écrit et cette saison est très plaisante à suivre, avec un bon dosage notamment du côté des méchants. C’était le gros point noir de Jessica Jones qui montrait beaucoup trop et trop tôt son grand méchant : ici, il y en a deux qui se succèdent et ils sont à la hauteur, surtout Diamondback qui est très impressionnant par sa détermination. Là encore, il n’y a rien de très original, mais la série de Netflix est précise et juste, et on la suit avec un grand plaisir.

luke-cake-mike-colter-rosario-dawson

Netflix multiplie les créations originales et elles seront nécessairement inégales, mais Luke Cage est un très bon cru. La série de Cheo Hodari Coker est très bien écrite et passionnante et elle parvient très bien à présenter un nouveau superhéros, avec toute la subtilité psychologique nécessaire et une bonne dose d’action. Cette saison prend le temps de poser ses personnages et c’est ce qu’il fallait faire : on a hâte maintenant de voir la suite !


Luke Cage, saison 2

(28 juin 2018)

La première saison de Luke Cage avait agréablement surpris, notamment parce qu’elle prenait le temps de poser des personnages riches et pas seulement des super-héros ou des vilains sans intérêt. Le héros est très banal sur le papier — il tient ses pouvoirs d’une expérience scientifique qui s’est mal passée et il essaie de faire le bien contre le mal à Harlem — mais les scénaristes ont réussi à dépasser les clichés et à en faire un personnage crédible et intéressant. Pour cette suite, Cheo Hodari Coker doit composer avec tout ce qui s’est passé depuis, notamment dans la médiocre série The Defenders. Luke Cage conserve toutefois son indépendance et on reprend largement là où on s’était arrêté, au cœur de Harlem et alors que Mariah Dillard règne en reine sur le quartier. Une nouvelle menace venue de Jamaïque débarque toutefois, prêt à prendre possession du quartier et à tuer Mariah et tous ses proches. On a vu plus original, bien sûr, mais là encore, c’est une base sur laquelle construire, presque une excuse plutôt qu’une fin en soi.

De fait, la saison 2 avance à son rythme et repose sur une intrigue moins simpliste qu’on ne pouvait l’imaginer. Luke Cage ménage quelques scènes pour de l’action brute, mais la majeure partie des treize nouveaux épisodes est plutôt lente et posée. Nouveauté supplémentaire dans cette saison, chaque épisode fait place à une séquence musicale, en général un concert au Harlem’s Paradise. Cela donne une touche spéciale à cette série Netflix/Marvel, et c’est un petit peu comme si Cheo Hodari Coker avait repris le flambeau de The Get Down, disparue trop tôt. Du blues au rap, en passant par le jazz et le RnB, les genres se mélangent comme dans cette saison qui ne choisit pas la facilité et construit encore une fois un méchant parfait. Outre Mariah Dillard, Luke s’oppose surtout à Bushmaster, venu se venger de la mort de ses parents provoquée par les ancêtres de la marraine de Harlem. Dans un premier temps, c’est un méchant très classique, un peu caricatural qui est présenté, mais les scénaristes ne s’arrêtent pas à cette solution de simplicité et ils dressent petit à petit un portrait nettement plus complexe. Les frontières sont assez floues, il n’y a pas un camp de gentils contre les méchants et cette complexité est cette fois aussi la grande force de Luke Cage. Le personnage de Misty, policière qui essaie de sauver Harlem elle aussi, est passionnant pour cette raison, elle oscille aussi entre la noblesse de son rôle et des sentiments plus sombres. Néanmoins, la star de cette saison, encore plus que de la première, c’est bien Mariah. Incarnée par une Alfre Woodard en très grande forme, cette mafieuse est aussi cruelle et sauvage qu’elle peut être charmeuse et même fragile par moment et l’idée de jouer sur son côté maternel est bien vue. Son personnage est extrêmement bien écrit, l’interprétation impeccable, et le succès de la saison lui doit énormément.

Cette deuxième saison n’est pas parfaite, le rôle de Claire est globalement maltraité et peut-être qu’on aurait pu économiser un épisode ou deux pour mieux se concentrer sur ses points forts, mais dans la saga des Defenders, Luke Cage confirme son statut à part. Comme avec Jessica Jones d’ailleurs, c’est parce que c’est un super-héros complexe que c’est intéressant. Netflix autorise la série a aller vers davantage de noirceur, ce qui est intéressant, et le temps d’un épisode, Cheo Hodari Coker laisse même entrevoir la possibilité que le personnage d’Iron Fist puisse être intéressant… belle performance ! En attendant de voir ce que Netflix fera du personnage, cette deuxième saison de Luke Cage est une réussite.