Quatrième film de l’Univers cinématographique DC, la saga qui doit permettre à DC Comics d’affronter à armes égales Marvel et ses Avengers, Wonder Woman est l’occasion de présenter un personnage classique des comics au cinéma. Créée en 1941, cette superhéroïne a occupé de nombreux volumes de comics, mais jamais le grand écran jusque-là. À part quelques saisons de séries dans les années 1970, Wonder Woman n’a pas eu droit aux honneurs d’un passage devant les caméras et Patty Jenkins corrige enfin cette erreur. Comme le remake féminin de SOS Fantômes avant lui, ce film est devenu un symbole à son insu et on peut saluer le choix d’une réalisatrice féminine pour ce film au casting très féminin. Néanmoins, ce n’est pas un passe-droit pour réaliser un mauvais film et malheureusement, Wonder Woman est dans l’ensemble raté. Trop sérieux, trop kitsch et surtout beaucoup trop déjà-vu, l’arrivée de l’héroïne sur les grands écrans se fait avec un blockbuster d’action bien trop classique et ennuyeux.
On avait croisé furtivement le personnage de Wonder Woman dans Batman v Superman : L’Aube de la justice avec une vieille photo en noir et blanc qui présentait l’amazone. Patty Jenkins reprend sur cette image, avec une brève introduction contemporaine où le personnage reçoit le même cliché de la part de Wayne Enterprise, et donc de Batman. C’est avant tout une excuse pour lancer l’histoire, qui est donc la naissance d’un super-héros. C’est un angle classique, mais souvent passionnant, car il permet d’en savoir plus sur ces personnages dotés de super-pouvoirs et sur ce qui les pousse à agir. Wonder Woman ne reprend pas d’emblée avec la photo toutefois, le scénario commence bien des années avant, alors que la future héroïne n’est encore qu’une enfant. Et comme dans le comics, Diana est une amazone sortie tout droit de l’Antiquité, c’est même Zeus en personne qui lui a donné la vie, ce qui explique son statut de demi-déesse. De fait, toute la première partie du film se déroule sur une île qui rappelle vaguement l’image d’Épinal de l’Olympe, un endroit paradisiaque où il fait toujours beau, où l’herbe est toujours verte et où les bâtisses blanches sont creusées à même dans la roche. C’est assez caricatural et surtout très moche : le film a des qualités à faire valoir, mais la technique n’est pas son fort et les reconstitutions numériques sont notables, bien loin de ce qui se fait de mieux aujourd’hui. Ce n’est pas qu’une question de moyens toutefois, les costumes sont aussi assez ridicules eux aussi et il n’y a pas le recul salutaire en cette situation. Wonder Woman commence avec le même sérieux que le Thor de Marvel et c’est aussi kitsch et mauvais. On pardonnerait volontiers cette mise en scène d’un goût douteux si l’intrigue suivait, mais ce n’est guère mieux de ce côté. Le conflit entre Diana et sa mère est convenu et le scénario ne surprend jamais, pas même quand un (beau, cela va sans dire) pilote amerrit en urgence, que Diana le sauve et qu’elle finit par partir avec lui. Alors, certes, il faut saluer cette séquence assez longue et 100 % féminine et ce n’est certainement pas un hasard si l’on ne voit aucun homme pendant aussi longtemps dans ce film. C’est bien, mais on ne peut pas oublier pour autant le traitement très sérieux et sans originalité qui fait que l’on trouve, déjà, le temps un peu long.
Quand Diana et le bellâtre quittent l’île en direction de Londres en plein cœur de la Première guerre mondiale, Wonder Woman reprend quelques couleurs. Patty Jenkins cerne plutôt bien les relations entre ses deux personnages et même si on aurait préféré se passer complètement d’une romance dans le film, il faut reconnaître que l’histoire est plutôt bien menée. Et surtout, le scénario devient enfin plus léger et ménage une bonne dose d’humour, surtout quand Diane joue le rôle de l’ingénue en découvrant Londres. Ses remarques sur la ville et sur les us et coutumes de ses habitants sont drôles et souvent bien vues, à défaut d’être originales. Cette séquence est bien rythmée et plaisante, mais le long-métrage nous entraîne bien vite sur le front, entre la Belgique, l’Allemagne et la France et la gravité revient vite, encore amplifiée. Wonder Woman rappelle d’abord la puissance de son personnage en la faisant percer la tranchée allemande à elle toute seule, puis en libérant un village quasiment seule. Ceci posé, Patty Jenkins entraîne son héroïne contre un haut-gradé allemand qui compte utiliser un nouveau gaz capable de tout détruire et même les masques censés protéger les soldats. Lier ainsi la fiction à l’histoire est plutôt malin, le lien persistant avec l’Antiquité l’est beaucoup moins et surtout, les combats s’enchaînent, tous plus spectaculaires les uns que les autres, mais souvent aussi illisibles. Le long-métrage se distingue par son héroïne plutôt qu’un héros masculin, mais pour le reste c’est un blockbuster d’action beaucoup trop classique et pas très bien réalisé. Entre le côté brouillon et le sentiment que l’on a déjà vu la même chose cent fois par ailleurs, Wonder Woman finit par lasser et on se désintéresse vite pour les personnages et la situation. La musique toujours plus énorme de Rupert Gregson-Williams n’arrange rien et les acteurs manquent souvent de charisme. Dans le rôle titre, Gal Gadot s’en sort assez bien, mais Chris Pine rame pas mal et on aura du mal à retenir les seconds rôles moyens, d’une Robin Wright pas du tout à sa place à un David Thewlis bien peu inspiré.
Ce n’est pas parce que le cinéma en général et le cinéma de super-héros en particulier est un domaine machiste qu’il faut tout excuser quand un film parvient enfin à apporter une touche féminine. Patty Jenkins s’est contentée de reproduire ce que toutes les autres productions hollywoodiennes proposent et elle apparaît davantage comme une excuse, un faire-valoir pour excuser l’industrie. D’ailleurs, Wonder Woman n’évite pas certains clichés machistes, à l’image du costume chargé de mettre en valeur les formes de l’héroïne, ou bien du maquillage toujours impeccable de celle qui est censée être une guerrière. Sans compter que le personnage de Chris Pine est très présent et même indispensable à la résolution finale… un choix assez étrange au fond. À quelques mois de la sortie de Justice League, le premier film qui réunira tous les super-héros DC Comics, Wonder Woman passe à côté de l’opportunité de faire mieux que la moyenne et de se distinguer. En l’état, c’est une grosse machine de plus, un spectacle toujours plus énorme qui accumule les clichés déjà vus et qui peine à divertir, dommage.