Avengers: Infinity War, Anthony et Joe Russo

L’Univers cinématographique Marvel poursuit son impressionnant travail, réunissant depuis dix ans maintenant un nombre toujours plus incroyable de super-héros. Imaginez donc, Avengers: Infinity War est le dix-neuvième de la saga, et il appartient à la troisième phase commencée il y a trois ans avec Captain America : Civil War. Comme tout est devenu énorme dans l’univers des super-héros, ce troisième volet de la saga dédiée aux Avengers ne conclut pas cette phase comme les deux précédents. Le film vient la ponctuer, mais il reste encore trois films, dont la deuxième partie de ce film, puisque Avengers: Infinity War a beau durer près de deux heures trente, il n’apporte aucune conclusion. Comme toujours, les studios Marvel ne s’embarrassent pas avec les explications et si vous n’avez pas vu les dix-huit films précédents, ou moins les cinq ou six derniers, vous serez perdus. Si vous suivez la saga depuis le début toutefois, vous découvrirez un blockbuster virtuose dans sa capacité à garder une place pour tout le monde et à offrir une intrigue qui tient la route. Anthony et Joe Russo ne cherchent pas à faire plus qu’un divertissement honnête, même si l’avalanche de super-héros frise parfois l’indigestion.

Avengers: Infinity War était en préparation depuis plusieurs films et on peut à nouveau saluer le travail de cohérence apporté par Marvel Studios. Le nom de ce volet évoque les Gemmes de l’Infini, mais aussi et surtout celui de Thanos, super-vilain des comics, l’un des méchants les plus emblématiques et le studio le savait bien. Fidèle à son habitude, il a planté des indices dans les films précédents, l’air de rien, pour faire monter la sauce. Dans le tout premier Avengers, c’est lui qui a eu les honneurs de la séquence post-générique. On le découvre surtout dans Les Gardiens de la Galaxie , où il joue un rôle clé et introduit les pierres. Dans Avengers : L’Ère d’Ultron, il revient le temps d’une scène post-générique qui dévoile, sans le dire, le plan de Thanos de récupérer toutes les pierres. La première scène de ce long-métrage se déroule juste après la dernière de Thor: Ragnarok, alors que le grand méchant a lancé l’attaque contre Thor et Loki, pour récupérer l’une des pierres. Thanos en possède déjà deux, outre celle des Asgardiens, il devra encore en récupérer trois pour mettre à bien son plan qui consiste à tuer la moitié de la population de l’univers pour le sauver face à la surpopulation, une thématique très en vogue par les temps qui courent et face au réchauffement climatique galopant. Sur place, ni Thor, ni Hulk ne peuvent rien face au Titan qui parvient à tuer Loki et à s’emparer de la pierre. Hulk est expédié in extremis sur Terre, où se trouvent deux Pierres (oui, c’est bien pratique), et où il alerte les Avengers. Sauf que l’entente d’autrefois a explosé en vol depuis la séparation en deux groupes séparés évoquée dans Captain America : Civil War1 et la réunion annoncée a priori par le titre ne se fait pas. C’est une bonne idée de la part des scénaristes, en plus de maintenir la logique des précédents films, car cela permet de mieux répartir les super-héros et d’éviter de trop perdre les spectateurs. Hulk atterrit chez Doctor Strange, que l’on a eu l’occasion de découvrir dans son propre film, ils sont bientôt rejoints par Iron Man que l’on ne présente plus, et le nouveau Spider-Man qui a aussi eu droit à « son » film en guise de présentation. Ce n’est plus tard, et progressivement, que la bande se réunit, ce qui est essentiel pour éviter la surdose trop rapidement. D’autant que c’est la première fois que les Gardiens de la Galaxie découvrent les Avengers et cela commence à faire beaucoup, vraiment beaucoup de super-héros. Sans compter qu’une partie de l’action se déroule dans le royaume du Wakanda, chez Black Panther que l’on vient de découvrir… c’est ébouriffant.

Il suffit de jeter un œil à l’affiche du film pour en juger : il y a beaucoup de personnages dans cet Avengers: Infinity War, plus encore que les précédents. Il faut toutefois reconnaître que les deux frères Russo s’en sortent très bien dans l’ensemble pour ménager une place pour chacun, et surtout pour faire avancer leur histoire sans perdre personne en route. C’est une gageure compte tenu de l’ampleur du récit, qui se déroule à la fois sur Terre, dans l’un des vaisseaux de Thanos en route vers Titan, puis sur Titan, et en parallèle dans deux endroits différents de l’espace avec les Gardiens. Essayer de résumer toute cette intrigue sans se perdre dans les méandres n’est pas facile, mais pour autant, tout est parfaitement clair pendant le film. Cet énorme blockbuster n’est pas difficile à suivre, c’est même tout le contraire, on se laisse porter et on n’est jamais perdu. À condition, tout de même, d’avoir une idée assez précise de qui est qui et qui fait quoi, sinon le constat risque d’être bien différent. Mais on s’attendait au pire et finalement, Anthony et Joe Russo s’en tirent bien, en utilisant chaque personnage au mieux et en parvenant même à rendre le kitsch du Doctor Strange acceptable dans cet univers qui reste plus réaliste. Thanos aussi, surprend : ce grand gaillard violet devrait être kitsch et ridicule, en tout cas absolument pas intéressant comme méchant, mais c’est tout l’inverse. Sous l’épaisseur du maquillage numérique, Josh Brolin a réussi à apporter de la finesse à son personnage et même de l’émotion, aussi surprenant que cela puisse paraître. Ce grand méchant a un plan machiavélique un peu ridicule, mais il gagne aussi en épaisseur, surtout dans ses relations compliquées avec ses filles adoptives. On ne s’attendait pas à un tel développement et c’est l’une des réussites du film, avec l’humour habituel de la saga qui vient apporter une légèreté salutaire. Sans cela, Avengers: Infinity War serait insupportable, mais les deux réalisateurs peuvent compter sur le casting habituel. Que ce soit le duo Robert Downey Jr./Tom Holland d’un côté, ou les Gardiens de la Galaxie de l’autre, on a suffisamment de pauses humoristiques pour combattre tous les éléments sérieux dans l’intrigue.

On s’attendait à un gigantesque film fleuve en deux parties, mais Avengers: Infinity War se suffit largement à lui-même finalement. Certes, la fin appelle une suite et elle semble un petit peu trop évidente, hélas2, mais le long-métrage réalisé par Anthony et Joe Russo se suffit à lui-même et a priori, le suivant devrait suivre une route légèrement différente. Est-ce que ce sera suffisamment différent pour éviter la lassitude qui guette toujours ? Quoi qu’il en soit, l’amalgame de tous ces héros différents faisait peur, mais le résultat est finalement plutôt réussi. Si vous êtes allergique aux super-héros ou aux monstres hollywoodiens, Avengers: Infinity War ne sera clairement pas fait pour vous. Sinon, le divertissement est au rendez-vous, c’est spectaculaire, amusant et même touchant par moment, bref, ce n’est pas la catastrophe que l’on pouvait craindre.


  1. Oui, il faut suivre. 
  2. ⚠️ SPOILER ALERT ⚠️ La fin du film est très surprenante… s’il s’agissait vraiment de la fin. Thanos parvient à rassembler toutes les pierres et il tue effectivement la moitié de l’humanité, dont une bonne partie des super-héros. Voilà qui serait original, mais on sent bien que le film suivant va revenir arrière… ce qui tombe bien, puisque l’on a déjà vu ici que la pierre du temps le permettait. Du coup, cette fin surprenante devient une porte-ouverte trop évidente, dommage.